Dans un dialogue à trois voix, l’écrivain marocain Mohamed Berrada
compose un portrait lucide du Maroc des années 1970. Dans ces Vies voisines, on
retrouve la touche d’un grand auteur.
Tous les genres littéraires sont
condensés dans un seul. On passe du roman, récit au conte, de l’entretien aux
lettres, du théâtre à la poésie, sans transitions, mais dans un mélange subtil
de langue. Le dernier roman de l'écrivain marocain Mohamed Berrada mêle
plusieurs procédés narratifs, à travers trois voix distinctes mais liées. Nous pénétrons peu à peu la vie de Naïma,
de Wariti et celle du fils de H'nia. Personnage réels ou fictifs, ils ont le
don de nous ouvrir les portes d’un un univers trop connu de nous Marocains et pourtant si fuyant : l'histoire
du Maroc des années de plomb.
D’abord, la femme émancipée. C’est une
hôtesse de l'air. Les voyages, la découvertes d’autres modes de vies, tout ceci
justifie son ouverture d’esprit et de corps. Ensuite l’homme du peuple. Celui
qui connaît le pays, à qui on le fait plus. Enfin, le vieux politicien un peu spécial. Leurs destins se
croisent. Leurs vies s’interpénètrent. Ils se parlent. Ils se racontent. Ils se
disent le caché, le non-dit. Ils se confient et laissent couler leurs rêves,
leurs espoirs, leurs passé. Au fil des rencontres et des partages,
se dessine l’image fluctuante d’un pays. Le Maroc défile alors en grandes
enjambées avec ses contrastes, ses schizophrénies, ses folies passagères, ses
drames, ses espérances. Ces voisinages sont une fenêtre ouverte sur un monde
connu de tous les Marocains. Ces fameuses années 70, connus sous l’appellation
galvaudée des années de plomb, mais en fait, ce sont des années noires pour
tout un pays. Et Mohamed Berrada tente ici de rattacher ce pan important de
notre histoire récente aux mouvances actuelles, sur fond d’un printemps arabe,
tournée en cauchemar non climatisé pour plus d’un pays. Car au-delà du Maroc,
il faut lire ici une spéléologie du Monde arabe avec ses ratages et ses
attentes. Vies voisines ce sont
aussi une quête identitaires non seulement des trois protagonistes, mais de
toute une population et au-delà de toute une communauté. Servi par une écriture
sans compromis, ce roman, traduit de l’arabe place Mohamed Berrada, comme l’un des écrivains marocains les
plus profonds et les plus justes. Avec toujours cette maîtrise de son sujet
sans la moindre faille.
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