L’auteur
du «Le supplice du santal», Mo Yan, l’écrivain chinois, Prix Nobel de littérature en 2012,
signe deux nouvelles sur l’enfance, avec en arrière fond la Chine maoïste.
Il ne faut pas être dissident pour faire de bons
livres. Ceux qui ont décrié le Nobel attribué à Mo Yan, se sont très vite rendus compte que
l’auteur chinois, en mèche ou non avec le parti communiste et ses sbires,
demeure un écrivain de grande envergure. Et c’est ce qui importe le plus. Evidemment,
ces prises de positions doivent être au service de l’humain et combattre la
tyrannie, mais il est évident que celui qui a signé ces deux nouvelles, Le veau
et Le coureur de fond, ne partage aucunement la vision totalitariste de son
gouvernement.
Quoi qu’il en soit, Mo Yan nous propose deux morceaux de choix.
Ecriture limpide, souvenirs épars, l’enfance est ici magnifiée. Le retour sur
le passé revêt des allures de catharsis ajournée. La chine rurale et ses campagnards
défile en filigrane comme un personnage à part entière. On y rencontre des
hommes qui triment, s’échinent et supportent la lourdeur des jours. On y côtoie
des animaux qui rendent aux humains ce qu’ils leur donnent.
Nostalgie
Sans pathos, avec juste ce qu’il faut de
sensibilité, Mo Yan distille une partie de sa vie d’enfant. Il se livre, par
bribes, par à coups, sans trop se dévoiler. C’est ainsi que l’adolescent qu’il
était se sentait proche du veau et de ses souffrances. L’enfant sent la misère,
la comprend, connaît tout le mal qu’elle inflige à ses semblables. Affleurent
alors toutes ces images d’une Chine pauvre, où la majorité croupit sous le joug
de la frustration. Et même si les paysages chinois sont de toute beauté, la
douleur est à chaque fin de page.
Nouvelle nostalgique, Le coureur de fond
verse aussi dans cette dimension du passé qui revient en force et occupe la
place réservée au futur. Le gamin porte un regard à la fois de retenue et
d’admiration cachée à l’égard des
autres mômes qui font le tour de la piste. Cette course de fond, organisée par
l’école ne le laisse pas
indifférent, mais c’est un prétexte pour Mo Yan de nous dire tout le mal que
vivent les habitants du canton de l’auteur dans les années soixante. Le maoïsme
est là à chaque enjambée, aussi cruel, aussi sournois, aussi hors de portée de
ces enfants qui courent, vers un
destin encore inconnu.
Pour ceux qui n’ont pas encore découvert le Nobel
chinois, il faut savoir que Mo Yan est né dans le Shangdong en 1955. Il est
désormais un écrivain universellement reconnu. Une quinzaine de ses romans et
nouvelles sont traduits en français et publiés au Seuil dont Beaux Seins,
belles fesses (2004), Le Maître a de plus en plus d'humour (2005), Le Supplice
du santal (2006), Quarante et un coups de canon (2008), La Dure Loi du karma
(2009) et Grenouilles (2011).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire