Le
Goncourt de la poésie 2009 a été décerné, mardi 1er décembre, à l’écrivain et poète
marocain Abdellatif Laâbi pour l’ensemble de son œuvre. Un prix qui vient
couronner une longue carrière littéraire riche et profonde.
Il
a fallu du chemin à l’auteur du « Fond de la jarre » pour voir son
œuvre récompensée à juste titre par un prix de prestige. Le Goncourt de la
poésie est d’abord une reconnaissance de la société littéraire du travail et de
l’engagement d’un écrivain et poète qui a payé de quelques années de sa vie
pour la liberté des hommes. Il ne faut pas l’oublier, Abdellatif Laâbi a été
condamné à 10 ans de prison pour ses opinions dans les années 70. Les affres de
l’emprisonnement n’ont pas eu raison de la liberté de l’homme qui a toujours
pensé qu’on peut mettre sous écrou un corps, mais pas un esprit, encore moins
un cœur.
Pour
le créateur de la revue Souffles, le mot d’ordre est la lutte humaine pour
l’émancipation intellectuelle, l’indépendance du point de vue, l’implication
effective dans la vie, le vécu, ce qui touche à l’humain dans sa condition le
plus primale. On s’en souvient, c’était en 1966 que sort la revue Souffles où collaborent plusieurs intellectuels marocains de gauche
tels que Tahar
Ben Jelloun, Mohammed Khaïr-Eddine ou Mostafa Nissaboury. Très vite, les
concepteurs de la revue visent plus loin. On scrute la culture, on pose les
questions qu’il faut sur le rôle de l’intelligentsia dans la vie politique du
pays et on lance des débats sur la condition humaine du Marocain.
Souffles qui
comptera vingt-deux numéros en français et huit en arabe sous le nom d'Anfas, dispraît très vite, mais reste un tournant majeur dans
l’histoire de la pensée marocaine et maghrébine. A sa sortie de prison en 1980,
paraît le « Règne de Barbarie ». Un manifeste. Puis suivent
« Histoire des sept crucifiés de l’espoir », « sous le bâillon
le poème », « L’écorché vif », « Le soleil se meurt »,
« Poèmes périssables » et d’autres œuvres qui sont aujourd’hui
couronnées par un prix d’ensemble.
Les années 80 et 90 marquent cette plongée
dans l’âme comme une catharsis pour se libérer du poids de la privation de la
liberté. Oui, on peut parler d’un poète qui vide son sac et qui dit sa vérité
au monde. Sauf que le ton n’est
pas celui de l’aigreur propre à ceux qui ont payé dans leur chair leur
engagement politique et humain.
Aucune trace d’amertume, non plus, ne vient
ternir le grand travail sur la langue qui fait de Laâbi l’un des orfèvres de la
langue française, selon les témoignages de nombreux académiciens français.
Juste après, arrivent une œuvre poétique très centrée sur l’homme, le soi, la
vie intime, la pensée sui generis. Laâbi publie alors «L'étreinte du monde »
(1993), « Mon cher double » (2007) et « Tribulations d'un rêveur
attitré » (2008).On sent alors toute la force de plus de quarante ans de
travail pour modeler une œuvre à l’image d’un enracinement humain sans failles.
L’oeuvre est alors dense, condensée, portant sur l’essentiel, débarrassée des à
côtés et autres compromis avec le temps. Abdellatif Laâbi, approchant de sa
septième décade offre à lire une poésie au scalpel, n’hésitant pas à détruire
l’illusoire pour faire du vide un haut lieu de résistance.
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