Mohamed Kacimi est le peintre de l’éclat, de l’amour, de la passion, de
l’oubli, de la mémoire, du pardon et de la colère. Il était l’une des voix
picturales les plus fortes dans les annales des Arts plastiques au Maroc.
C’était un homme simple, généreux, discret, qui a laissé le temps imprimer sur
son œuvre une teinte d’éternité.
Un matin chez Kacimi, quelques semaines avant sa mort. C’était à Temara où il avait élu
domicile. Le bonhomme avait son visage rayonnant de générosité qui accueillait tout le monde avec le même
bonheur. La rencontre de l’autre était pour lui primordiale. Tout respirait le peintre et l’artiste.
Un véritable poète des livres, des coupures de presse, des esquisses donnaient
à l’espace un air de déjà vu. Un aspect familier qui nous fait sentir qu’on
était chez soi. Avec le temps, nous avons appris que ce n’étaient pas seulement
les choses et leur appropriation de l’espace qui donnaient cette belle
impression, mais l’homme qui habitait ces objets. Kacimi est de ceux qui
traversent nos vies et nous laissent une gerbe de miel qui distille ses volutes
innocentes dans notre sang. On avait échangé des mots sur la simplicité de
l’être, sur l’amour des autres, le sens de la liberté. Kacimi avait laissé
échapper une phrase qui rappelle
un autre grand peintre à Georges Braque : “nous traversons le monde à la fois
en silence et avec un grand éclat”.
Kacimi avait pris place, le geste posé qui parcourt l’air comme au
ralenti, un port de tête d’une extrême humilité, un regard d’une douceur d’un
autre âge.
Le peintre de l’Homme
Rage intacte
Avec le temps…
L’un des plus grands moments de la
peinture aura été cette exposition sur la guerre en Irak. Mohamed Kacimi
exposait ses toiles à la Galerie Al Manar. Le peintre couche des couleurs et
des formes sur l’étendue de la nuit, celle qui frappe le monde. Ça et là des
fragments, des particules humaines qui sont l’essence même de l’existence,
déchiquetées. Il nous livre une humanité désemparée, des visages imaginaires
passés à la chaux blanche de la haine, effacés par le meurtre et la cupidité.
C’était là l’une des expositions du peintre les plus virulentes, les plus
engagées, les plus humaines. L’homme y était disloqué, hagard, fou.
L’humanité y paraissait sous des haillons de vieilles reliques que l’on
abandonne sur la route pour que le charnier prenne corps et que la folie
festoie. Kacimi avait peint ce jour-là le sang de l’humain sur la surface plane
d’un mur que rien ne pourra faire tomber. Le peintre avait jeté sur le monde un
autre regard, encore un, toujours le même, plein d’amour, gorgé de passion… Un
regard d’oracle.
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