Linda Lé livre un roman fort sur la mort,
les liens entre humains. Une œuvre au plus près des nerfs. Sublime.
« Je n’ai jamais été
bavard de mon vivant. Maintenant que je suis dans un cercueil, j’ai toute
latitude de soliloquer. Depuis que le couvercle s’est refermé sur moi, je n’ai
qu’une envie : me justifier, définir mon rôle dans les événements survenus,
donner quelques clés pour comprendre les tenants et les aboutissants de ce qui
n’est qu’un fait divers.» le début pose le décor. Tout reste à dire donc. Et
quand c’est un mort qui prend la parole, la liberté de ton est de mise. Van, c’est de lui qu’il
s’agit. La quarantaine bien entamée, il fait le bilan et se réembobine. Cet
examen de conscience s’avère de toute beauté.
Tout passe au crible
du jugement. D’abord porté sur soi. Ensuite, il englobe le reste du
monde. Et très vite, on sait que dans la balance de la vie, l’adultère a pesé
très lourd. Ce qui a fait que Van a fini sous les pneus de la Austin de son
épouse. Roman de deuil? À coup
sûr. Mais pas que cela. C’est aussi une œuvre de rédemption. Déjà dans Les Évangiles du crime, qui a révélé Linda Lé au grand public, en
1993, les morts étaient nombreux s’amoncelant comme des strates humaines dans l’attente d’un
verdict.
Oraison funèbre
In memoriam, en 2007, était dans la même veine. La figure de la
gueuse est là, traitée avec juste ce qu’il faut de retenue, mais elle n’échappe
pas au hachoir des jours. Néant,
vide, vacuité de l’âme… mais aussi trop plein de soi qui excède l’extension du
domaine de la mort.
Car dans l’écriture de Linda Lé, la mort n’est pas la fin
d’une heure, un moment certes qui ne ressemble à aucun autre, mais c’est juste le début d’un autre cercle de soi. Mourir, c’est se
connaître, c’est enfin se révéler
au monde. Mourir, c’est naître autre, différent, transfiguré par son vécu. Tout
le monde finit par se sentir obligé de tout dégoupiller. Van se lance dans on
monologue post-mortem. Mais aussi tout ce beau monde qui faisait sa vie. Sa
maîtresse Ulma, sa femme Lou et
Laure, sa fille. Un orchestre de chambre. Un quatuor sans dissonances.
Et cette
Lame fond vient donc lever le voile sur les uns et les autres. Quand Van parle,
ce sont tous les autres qui
avouent leur perdition collective. L’autre, ce méconnu, tente de se trouver une
issue dans le cœur de l’autre à défaut d’avoir su combler son vide par et avec
l’autre. Nous sommes face à l’un des romans les plus aboutis de cette rentrée
littéraire. Linda Lé, romancière d’origine vietnamienne, traite de la solitude
avec virtuosité. Sans pathos. Juste avec cet humanisme qui nous va droit aux
tripes.
Editions Christian Bourgois.
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