Ambiance post-apocalyptique pour un film où le sacré prend son
sens de résurrection après la fin annoncée du monde. Un messie traverse les
ruines du monde pour que la lumière soit grâce au livre d’Eli. Prophétique.
Un homme qui a tout perdu n’a que deux solutions pour se tailler
une sortie digne. Abdiquer ou tenter un dernier baroud d’honneur. Les frères
Hugues, co-réalisateurs de cet opus magistral sur le sacré, ont choisi de faire
prendre du chemin à leur héro doublé d’un prophète des temps futurs. Un homme,
rescapé d'un cataclysme planétaire, entend une voix lui dicter un sentier à
suivre, au milieu des vestiges de l’humanité. S’ensuit un road-movie vers le
rachat de soi en tentant de sauver les autres.
Très vite, dans ce film, c’est à
la guerre comme à la guerre. Et deux fois plus si une catastrophe nucléaire a
balayé les dernières illusions de la race des hommes. Un homme vaut pour le
nombre d’erreurs qu’il n’évite pas. Il vaut aussi par la qualité de ce qu’il
mène comme chemin, ce qu’il essaime en cours de route.
Denzel Washington, qui
joue un Eli noir, prédestiné à sauver le monde et l’humanité, enjambe l’enfer
et se trace une route vers l’Ouest, vers le soleil. La référence, par les temps
qui court, au visage de Barack Obama n’est pas à exclure, pas plus que cette
enseigne marquant en capitales le nom Busch sur un camion, explosé par des
obus.
On sait qui a initié la fin du monde et l’on saura, peut-être qui pourra
le ressusciter. Cet homme a une besace et marche droit comme le destin. Il n’a
que quelques armes et un livre pour tous bagages. Et une gourde d’eau, denrée
rarissime qui vaut des vies sur le chemin de la rédemption vers le soleil.
La messe est dite. La fin du monde est
consommée. Demeurent quelques rescapés, des bribes d’humains qui survivent sur
les décombres de ce qu’était le monde d’avant. Dans ce paysage lunaire, cendré,
filmé en gris, en deux tons, couleur sépia, l’homme est un loup pour l’homme
comme dans les écrits.
Il y
a une destination à toucher et sur le chemin, l’ennemi, une espèce
d’esclavagiste post-moderne (sublime Gary Oldman) qui veut récupérer le livre
d’Eli, seul espoir pour les hommes. Le film d’action entre en jeu, dans un
travail de caméra entre vitesse d’exécution, balayage de champ et prises de vue
tournantes.
Au fil des bobines, cette traversée de la mort devient une
chronique de la vie d’un homme et de son double. Noir et blanc, ni noir ni
blanc. Mais deux êtres, deux entités, deux versions de la même volonté de vivre
et de se dépasser dont les outils diffèrent.
Et les finalités aussi. Dans un
sens, c’est l’histoire des humains en mots simples qui décrivent
l’impossibilité du savoir. Comme ce livre secret que le marcheur lit dans le
noir et que l’esclavagiste veut détenir pour mieux écraser les hommes.
Voyage initiatique
D’emblée, ce film devient un voyage, une route, un chemin de
traverse. Peu importe, cette quête et la course poursuite engagée derrière,
l’histoire qui se tient dans ce duel entre Bien et Mal repose la question du
sacré, après que l’homme ait épuisé toutes ses illusions de maître de
l’univers. Les apparences restent
telles, mais leurs fluctuations ont pour but de nous emmener plus loin.
D’abord le crime et son corollaire le
pardon. Une notion ambiguë, mais réelle. Il faut bien lui trouver une source,
ou alors la plonger dans l’absurde. Les deux versions sont valables dans ce
film. Mais reste la question de la religion qui peut devenir le sens même du
pouvoir. Dans ce film, on tranche. La religion peut asservir, mais si elle est
utilisée avec sagesse, elle illumine la vie et nous fait sortir des ténèbres.
Sauf que pour le Mal, pas de rédemption possible, malgré quelques relents
pseudo-bibliques qui préfigurent que ce livre tant convoité est un manuel de
survie pour sauver ce qui encore peut l’être. La faute, le sens du péché sont
bannis de cette réflexion. Ce qui prime, ce sont les actes et leurs
signifiances dans le moment.
Le mal dit son nom quand le Bien tente de laisser
encore un brin de chance à l’humain de se reconstruire par le sacré. Appuyé sur
une mise en scène laconique, économe et sobre, le film livre une façon de faire
qui ne rejoint aucun genre, en n’en créant aucun.
Nous sommes à mi-chemin entre
la littérature et le septième art. Entre deux frontières qui disent bien leurs
noms. Le cinéma prend ici une dimension religieuse. Il devient l’art de mettre
les images au service des pensées, les idées au service de ce qui fuit, comme
ce paradis primal qui pourrait ne s’avérer que fantasme.
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