Des
rapaces dans la ville sonne comme un titre d’un film série B de Verneuil. On
passe sur les connotations politiques attenantes à ce type de titraille, pour
rester terre à terre. Ce n’est pas là une parabole, encore moins une métaphore,
tout juste une assertion au premier degré concernant des faucons pèlerins qui
ont fait des villes marocaines leurs abris. Casablanca étant leur terrain de
chasse préféré depuis au moins une dizaine d’année.
Il
suffit de prêter l’oreille aux cris stridents des oiseaux de proie qui planent dans le ciel, pas si bleu que ça, ses derniers temps, pour voir quelle
bataille livrent les pigeons pour survivre. C’est que ces petits carnassiers
aiment les pigeons et autres oisillons de moindre consistance. C’est leurs mets
de choix.
Curieux
tout de même qu’un parent de l’aigle, de l’épervier et de la pygargue, habitué
aux grandes plaines désertiques du Sud du Maroc, se soit cantonné au milieu des
buildings, en plein centre ville pour faire bombance. Pas si curieux que cela
si on remet les choses dans leur contexte historique. La légende urbaine
voudrait que cette race de rapaces soit introduite d’abord à Casablanca avec la
naissance des premières antennes des télécoms.
Lesquelles antennes étaient
assaillies par les pigeons qui habitent en surnombre la ville blanche.
On
aurait alors trouvé la parade en lâchant sur les antennes des faucons qui se
sont régalés de pigeons. Depuis, on a fait des petits, on a trouvé des
compagnes, et des couples se sont multipliés. Avec des nids immenses dans les grandes
artères de la ville. Mais Casablanca n’est pas le seul théâtre du vol altier de
ces créatures aux serres bien acérés. Fès, Meknès, Tanger, Marrakech, Rabat,
Agadir… bref, là où l’on capte le réseau, on voit rôder les faucons.
On
ne peut pas ne pas faire un parallèle avec la téléphonie mobile et le pigeon
qui se fait bouffer par le faucon. Surtout que dans des temps anciens, le
pigeon faisait le facteur. Que d’ingéniosité pour apporter une nouvelle d’une
contrée à une autre, à vol de pigeon, durant des semaines, en attendant le
retour ailé et le plis dans la patte de l’oiseau. On a gagné des guerres grâce
à ces morceaux de textes collés aux frêles muscles des pigeons. On en a aussi
perdues. Cela dépend de quel point du vol on se situe.
Aujourd’hui,
le SMS fait l’affaire. Et on ne va pas tartiner sur ce bon vieux papier qui a
tant servi l’histoire. Chaque chose fait son temps. Hier le pigeon, aujourd’hui
le clic. Entre les deux, des vols d’oiseaux ont eu lieu. Et même toute une technologie
a remplacé la poésie.
Quoi
qu’il en soit, on ne va pas pousser des cris d’orfraie pour si peu. Ce n’est
après tout que justice. Si la ville gagne du terrain sur la compagne, il faut
bien que des espèces rurales, voire montagnardes, s’installent dans la plaine. Ce n’est pas tant un
chassé-croisé, mais un rééquilibrage douteux des procédés d’échanges en
communication. Et si les pigeons désertaient la ville… il n’est pas dit que les
faucons y resteraient.
Le
fin mot de l’histoire est dans cette équation à zéro degré : dans un grand
incendie, quoi sauver, un Rembrandt ou un chat ? Un pigeon ou un
faucon ?
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