mercredi 3 avril 2013

Cris d’orfraie


Des rapaces dans la ville sonne comme un titre d’un film série B de Verneuil. On passe sur les connotations politiques attenantes à ce type de titraille, pour rester terre à terre. Ce n’est pas là une parabole, encore moins une métaphore, tout juste une assertion au premier degré concernant des faucons pèlerins qui ont fait des villes marocaines leurs abris. Casablanca étant leur terrain de chasse préféré depuis au moins une dizaine d’année.

Il suffit de prêter l’oreille aux cris stridents des oiseaux de proie qui planent  dans le ciel,  pas si bleu que ça, ses derniers temps, pour voir quelle bataille livrent les pigeons pour survivre. C’est que ces petits carnassiers aiment les pigeons et autres oisillons de moindre consistance. C’est leurs mets de choix.

Curieux tout de même qu’un parent de l’aigle, de l’épervier et de la pygargue, habitué aux grandes plaines désertiques du Sud du Maroc, se soit cantonné au milieu des buildings, en plein centre ville pour faire bombance. Pas si curieux que cela si on remet les choses dans leur contexte historique. La légende urbaine voudrait que cette race de rapaces soit introduite d’abord à Casablanca avec la naissance des premières antennes des télécoms. 
Lesquelles antennes étaient assaillies par les pigeons qui habitent en surnombre la ville blanche. 

On aurait alors trouvé la parade en lâchant sur les antennes des faucons qui se sont régalés de pigeons. Depuis, on a fait des petits, on a trouvé des compagnes, et des couples se sont multipliés. Avec des nids immenses dans les grandes artères de la ville. Mais Casablanca n’est pas le seul théâtre du vol altier de ces créatures aux serres bien acérés. Fès, Meknès, Tanger, Marrakech, Rabat, Agadir… bref, là où l’on capte le réseau, on voit rôder les faucons.

On ne peut pas ne pas faire un parallèle avec la téléphonie mobile et le pigeon qui se fait bouffer par le faucon. Surtout que dans des temps anciens, le pigeon faisait le facteur. Que d’ingéniosité pour apporter une nouvelle d’une contrée à une autre, à vol de pigeon, durant des semaines, en attendant le retour ailé et le plis dans la patte de l’oiseau. On a gagné des guerres grâce à ces morceaux de textes collés aux frêles muscles des pigeons. On en a aussi perdues. Cela dépend de quel point du vol on se situe.

Aujourd’hui, le SMS fait l’affaire. Et on ne va pas tartiner sur ce bon vieux papier qui a tant servi l’histoire. Chaque chose fait son temps. Hier le pigeon, aujourd’hui le clic. Entre les deux, des vols d’oiseaux ont eu lieu. Et même toute une technologie a remplacé la poésie.

Quoi qu’il en soit, on ne va pas pousser des cris d’orfraie pour si peu. Ce n’est après tout que justice. Si la ville gagne du terrain sur la compagne, il faut bien que des espèces rurales, voire montagnardes, s’installent  dans la plaine. Ce n’est pas tant un chassé-croisé, mais un rééquilibrage douteux des procédés d’échanges en communication. Et si les pigeons désertaient la ville… il n’est pas dit que les faucons y resteraient.

Le fin mot de l’histoire est dans cette équation à zéro degré : dans un grand incendie, quoi sauver, un Rembrandt ou un chat ? Un pigeon ou un faucon ? 

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