Chaque année, ce sont 4 000 nouveaux insuffisants rénaux qui doivent avoir recours à la dialyse
au Maroc.
En 2012, plus de 2 000 patients ont été inscrits sur les listes
d'attente des hôpitaux publics. Et le nombre des patients à atteint les 13 500
patients.
Aicha à 56 ans. Elle en paraît 70. Amaigrie, le
visage émacié, les yeux sont creusés par la fatigue et la maladie. Quand elle
parle, elle halète. Chaque mot qui sort de ses lèvres sèches est un effort qui
lui pompe tout ce qui lui reste
d’énergie. Elle souffre d’insuffisance rénale depuis plus de dix ans. La
maladie la contrainte à quitter le travail, très tôt. Son mari et sa famille
s’occupent d’elle, payent les frais médicaux et surtout les terribles séances
de dialyse dont elle a besoin pour continu er de vivre. «Cela fait des années
que je suis sous dialyse et à chaque séance, j’ai peur. On ne s’habitue jamais
à ce type de choses », assène-t-elle d’une voix éteinte. C’est simple, sa
vie se résume en peu de choses.
Mais ce peu est énorme. Analyses médicales. Médicaments à vie. Séances de
purification de sang. Le reste est un combat à vie pour ne pas mourir…très
vite. La paradoxe de la vie d’Aicha est que c’est son calvaire de toutes les
semaines qui lui permet d’espérer. Sous hémodialyse ou dialyse comme on préfère
le dire, elle est soumise à trois séances d’épuration sanguine par
semaine, dans un centre d’hémodialyse sous la responsabilité de son
néphrologue. La séance dure quatre heures en moyenne. (voir encadré). Inutile
de décrire le parcours du combattant de cette femme fluette qui entre épuisée
au centre et en ressort au bout de quatre heures éreintée, avec toujours cet
hématome qui rappelle la longue et douloureuse séance de pompage de son sang
pour le purifier.
Epée de Damoclès
Le chemin de
croix d’Aicha est vécu, avec plus ou moins de patience par plus de 10
000 patients qui ont été dialysés au Maroc en 2011 dans 167 centres, publics et
privés. La dialyse coûte environ 14 000 dirhams par mois. Ce tarif ne comprend
pas les médicaments, les bilans biologiques et les éventuelles complications. Dans
certains cas, les malades ont plus de 20 ans d’ancienneté en dialyse. Chaque
année ce sont 4000 nouveaux cas qui s’ajoutent aux listes. Ce chiffre progresse
de 5 à 8% par an. Sur plus de 13 000 patients, seuls 10 000
bénéficient du traitement. Plus de 3 000 autres patients ne bénéficiant pas de couverture médicale.
Ils sont donc inscrits sur les listes d’attente des hôpitaux publics. Pour les
patients relevant de la CNOPS, la prise en charge est totale. En ce qui
concerne, les patients relevant de la CNSS, ils ne sont couverts qu’à 70%. Les
30% restants sont à leur charge. Souvent les malades sont incapables de tenir
la cadence des séances qui sont très chères. Alors ils ne se
soignent plus. L’autre épée de Damoclès qui planent sur les têtes des malades,
c’est le risque de perdre son travail. Là aucune prise en charge n’est p
possible. Ce qui équivaut à un arrêt de mort. Quand on sait que les coups varie, selon les centres entre 700 dhs et 1500 dhs la
séance de dialyse. Pour une fréquence de trois passages au centre par semaine.
Il faut avoir des ressources. Ceci en dehors
des analyses et des radios de contrôle. Comme le souligne à juste titre le Dr
Amal Bourquia, « le taux de rentabilité baisserait de 50% chez un
patient hémodialysé et le taux de chômage serait de l’ordre de 40%. » En
effet, face à la maladie qui paralyse les patients, certains sont contraints de
mettre un terme à leurs activités.
Pour
cette auteure de 12 ouvrages de référence sur les maladies rénales pour aider
les patients à mieux connaître leurs maladies et surtout comment la
prévenir, les
patients sont obligés d’avancer l’argent pour acheter les médicaments
nécessaires en dialyse avant de se faire rembourser ce qui oblige certains
d’entre eux à abandonner le traitement avec des conséquences terribles pour
leur santé.
Greffe de reins
Il faut aussi
savoir que les maladies rénales touche pas moins de 3 millions de Marocains. Parmi
ces pathologies, l’insuffisance rénale chronique (IRC) «est une maladie grave
qui entraîne une détérioration graduelle et irréversible de la capacité des
reins à filtrer le sang et à excréter certaines hormones. Elle résulte des
complications du diabète, de l’hypertension ou d’autres maladies. », comme le précise la néphrologue Amal
Bourquia. Pour les malades, qui atteignent un stade avancé de la maladie, il ne
reste que deux solutions : la
dialyse ou la greffe. Mais au Maroc, la greffe de reins demande aussi des
moyens très élevés. Ce n’est pas tout le monde qui peut recourir à cette
chirurgie de pointe pour sauver sa vie. On le sait, en 2011, 151 greffes à
partir de donneurs vivants -le donneur devant avoir un lien familial avec le
receveur- ont eu lieu au Maroc. 3 autres greffes ont été faites à partir
de sujets en état de mort cérébrale. Ce qui donne un pourcentage de 5 greffes
par million d’habitants et 7 par an depuis 1990. Pour les spécialistes
marocains, c’est très peu comparé
à la demande de plus en plus grande de greffes. D’ailleurs, les chiffres nous
montrent que 70% des Marocains transplantés l’ont été à l’étranger, en France, en
Espagne et même en Egypte. Surtout que le coût d’une greffe est de
250 000 DH plus un forfait
de traitement de 8000 DH l’année de la greffe qui baisse à 6 000 DH les années
suivantes.
On le voit bien,
le seul recours pour des milliers de malades reste la dialyse. Et là aussi, il
faut une lutte matérielle, familiale et psychologique de tous les instants pour
tenir et ne pas céder au désespoir. Pour Aicha, « tant que je suis
entourée de ma famille, mon mari et mes enfants, j’ai la force d’aller jusqu’au
bout. Et si un jour je peux me permettre une greffe, je serai la femme la plus
heureuse. Je pourrais alors retrouver ma vie, et pourquoi pas me remettre à un
travail pour oublier toutes ces années de calvaire.»
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