Le
grand écrivain américain signe un premier recueil de nouvelles d’une rare
subtilité sur le malaise de la middle-class américaine . Il livre ici une radioscopie sans
détours sur les dérives de la Sainte Amérique. Elégiaque et prophétique.
Ce recueil a pris plus de trois décennies de travail. C’est le premier
du genre pour le grand romancier américain, Don Delillo. Le plus acerbe des
aauteurs newyorkais modernes, signe ici une radiographie sans compromis sur un
pays à la dérive. On part d’une île des Antilles à un multiplexe de Manhattan.
On sillonne plusieurs périodes, de 1979 à 2011 pour apprendre à connaître y
tous les visages qui peuplent ces pages corsées sur le malaise de la
middle-class à l’Américaine. Nous
côtoyons pour un moment une économiste du bloc soviétique ; nous
assistons au désarroi d’un père divorcé ; on suit les rêves d’une étudiante
en troisième cycle, on est touché par ce vieux Russe dont le fils enseigne dans
une université de New York, on prend peur devant la détermination de cette
épouse qui veut à tous prix se
venger pour combler une faille intérieure. Tous ces personnes partagent ce même
socle social branlant, celui des instables, ceux qui peuvent basculer dans le
vide du rêve américain, à n’importe quel moment.
La mort du rêve
Don Delillo, à son habitude, ne prend pas de gants quand il s’agit de
cerner les pourtours floues des USA. Dans L’Ange Esmeralda, aucune identité n’est possible. Nous avons
affaire à des individus égarés au sein même de leurs valeurs défuntes, autour
du fric, au nom du billet vert, le sauveur. Tous ces visages paraissent au fil
des pages, difformes, insaisissables, sans contours, perdus… avec une seule promesse de réalité
enracinée, la figure d’un ange en puissance. L’Ange Esmeralda
est une vielle connaissance littéraire de Don Delillo qui revient ici sur le viol, l’assassinat et l’apparition
post mortem de cette enfant sauvage du Bronx. L’auteur de America plonge dans
les racines de l’innocence condamnée, en mêlent son récit à des références
classiques qui font de son ange Esmeralda, une fille de la jungle qui hante le
Bronx. Désarçonnés, les figures
qui arpentent la vie sous l’écriture au lyrisme cinglant de Delillo, rendent
compte de la mort du rêve. Ou alors, ils poussent l’inanité du songe et de la
vie à leurs confins modernes les plus froids, dans une vision métallique de New
York et partant de toutes une Amérique gelée. Plus rien ne subsiste de
l’humanité n’étaient ces paroles vides de sens que les personnages s’échinent à
rendre audibles pour des sourds qui vivent coupés d’eux-mêmes. C’est là un
ensemble de nouvelles noires, mais écrites avec cette maitrise connue chez Don
Delillo qui a l’art de maîtriser ses personnages en leur donnant un réel
pouvoir sur le lecteur.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire