jeudi 25 avril 2013

« Being Flynn » de Paul Weitz: De Niro dans un One Man Show magistral


Robert De Niro renoue avec ses grands rôles de composition dans Being Flynn, un drame urbain, ultra-moderne, sur les rapports d’un père et de son fils, par temps de grande crise.




Le film est tiré d’une histoire vraie. Celle de Nick Flynn, joué par un excellent Paul Dano. Le jeune homme trouve un boulot dans un refuge pour sans-abri et tombe sur son père, incarné par un Robert De Niro  impressionnant de force et de profondeur.  Le père est un ancien auteur qui n’a jamais marché. Il écrit  depuis toujours une œuvre qui n’a jamais vu le jour. Il sombre dans l'alcoolisme, après avoir quitté femme et enfant depuis très longtemps. Les retrouvailles avec son fils ne vont pas arranger les choses. Pire, les démons du passé ressurgissent, entre rage et colère.  En somme c’est cela pitch du film signé Paul Weitz à qui l’on doit Mon beau père et nous, une comédie loufoque, avec le même De Niro. Là, Paul Weitz franchit un cap et  se met à sonder les profondeurs humaines à travers un sujet tout ce qu’il y a de plus ancien, le filiation. Monsieur Flynn quitte sa faille, oublie son fils, tourne le dos à sa femme, (sobre Julianne Moore) et ne se retourne jamais en arrière. Et quand il tombe sur ce fils qu’il n’a jamais connu, il n’a aucune inclination naturelle pour le connaître, savoir qui il est. Clodo new yorkais, hautain et aigri (ce qui donne à De Niro des séquences d’acting d’une rare intensité), colérique et incontrôlable, il est plus préoccupé par son lit dans le refuge que par les espoirs de son rejeton qui veut devenir poète.

La mort du père
Toute la force de ce film, très intimiste est là. D’abord la vie du gosse. Un peu happé par les drogues. Il a une copine avec qui il couche. Mais l’amour ne s’infiltre pas dans son âme. Il est fermé. Cool, sympa, rigolo, blagueur, très ouvert au dehors, mais de l’intérieur c’est une tombe de secrets. Le suicide de la mère, la fuite du père. Le vide de la vie. L’avenir bouché. Il n’y a que ces âmes perdues qui sillonnent le macadam de New York qui lui tiennent compagnie et donnent un peu de sens à sa misérable existence. Mais il écrit. Cela, il le tient quelque part, de ce paternel disparu. Il écrit pour ne pas mourir. Il écrit pour faire revivre ce père et le tuer en même temps. C’est ce procédé, par procuration, basé sur l’écrit, qui fait de cet opus un grand film sur la paternité.
Finalement qui connaît bien son père ? Qui sait qui est cet homme qui sort, qui rentre, qui parle souvent pour meubler le temps, qui pense  à la vie, aux besoins, et oublie dans la foulée, que les enfants sont peut-être la seule œuvre valable sur laquelle il faut travailler au quotidien. Dans le cas de monsieur Flynn, il a passé une vie à remplir des carnets de notes, il s’est lancé dans une travail colossal pour rendre compte du monde, mais il n’aura ni écrit, ni connu le fils. Là, le film devient corsé, quand c’est le fils qui signe son premier recueil de poésie et qu’il invite son paternel à  venir assister à la signature de son texte. On aurait cru que c’est la fin du père. Il est là, réellement mort, car lui n’a pas écrit, mais sa progéniture oubliée, l’a bien fait. Il n’en est rien. Pas de pathos dans ce Flynn, il a écouté le texte du petit, il en a aimé des passages, puis il a repris sa vie, sa croisade contre ce monde qui l’a, pense-t-il, détruit. Oui, ce monde qui veut sa peau. Cette fuite, toujours vers nulle part, sert de moteur de vie. Sans elle, et la colère, Flynn serait six pieds sous terre. Il y tient plus qu’à la vie elle-même qu’il ne connaît pas finalement, puisqu’il aura toujours vécu à la marge de  qui il est. 
Being Flynn, un film sur la solitude des uns et des autres, mais surtout une grande descente dans les soubassements de l’espoir pour le décortiquer, l’éplucher, le plumer pour en révéler  une quelconque saveur, odeur, couleur, mais au final, l’espoir, c’est un leurre. Comme ce livre, ce roman d’une vie, qui existe, mais qu’on n’aura jamais lu. Robert De Niro signe ici une performance glaciale, métallique, hautement humanisée, avec ce qu’il faut de douleur repue d’elle-même, de rage non contenue, de fureur éclatée pour raconter un monde froid où les hommes ont perdu jusqu’à leur essence.

Réalisé par Paul Weitz. Avec Robert De Niro, Julianne Moore et Paul Dano

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