Le spectacle est triste. Il est même horrible. Un gamin de
six ans qui trime plus de 14 heures par jour. C’est d’un autre âge, pourrait-on
croire ? Faux. C’est actuel. Cela se passe aujourd’hui. Il suffit d’aller
dans un four public, chez un mécanicien, dans un café, dans une station
d’autocars, chez un épicier, pour rencontrer des mômes qui travaillent. Ils
sont tellement fragiles, tellement enfants qu’on a du mal à croire qu’ils ont
déjà une lourde responsabilité sur les épaules. Gagner sa vie, fournir de
l’argent chaque fin de semaine pour donner un pécule à sa maman ou son père qui
a accepté de l’envoyer au charbon, malgré son très jeune âge.
Evidemment, quand on parle à l’employeur du gamin qu’il ne
doit pas faire travailler et exploiter de la sorte, il sort de s ses gonds.
Moi, je lui donne de quoi manger. Et toi, qu’est-ce que tu lui
donnes ? Mais c’est un môme,
je lui rétorque. Comme ça, il apprend à être un homme ? La phrase qui tue.
Celle qui est sensé tout régler et me clouer le bec. Mais, vous êtes un
esclavagiste, monsieur, un criminel aux yeux de toutes les lois du monde. Va
raconter cela ailleurs, moi je paie qui je veux et je fais travailler qui je
veux, même un gamin.
Bien sûr, du moment que personne en vient le bousculer et lui demander des
comptes sur le travail d’un enfant de six ans, qui doit jouer avec d’autres
copains de son âge et profiter de cette belle période de la vie que l’on nomme
enfance sans trop savoir, que c‘est là l’unique richesse dont dispose un homme.
Bien sûr que cet adulte ne
comprend même pas qu’un enfant doit être épargné et protégé, et que le fait de le faire plier sous un cageot de
pomme de terre, ou un pneu à réparer,
est un traumatisme à vie.
Alors où sont tous les slogans à la marocaine sur la
protection des enfants ? Il suffit de faire un tour dans la ville,
quartier par quartier pour voir à quel point on se fiche de l’enfance. Les
politiciens peuvent entonner la chansonnette sur les droits des enfants, rien
n’y fait. Les ONG peuvent monter au créneau. C’est toujours pareil, des
centaines de milliers de mômes sont livrés à la loi de l’argent. Le pire est que le Maroc est en phase de
produire en série des adultes-nés, qui en paissant l’impasse sur l’enfance,
portent en eux une colère inexpliquée qui peut un jour s’avérer très
dangereuse.
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