Le chauvinisme est une tare. Quand il est doublé de
nationalisme primale, c’est un crime. Un ami, en qui j’ai toujours eu confiance
-un homme de bon sens et de culture- est tombé de son piédestal hier. Il m’a
sorti, tout de go, que « c’est tant mieux pour l’Espagne cette crise qui
l’a mise à genoux. Désormais, ce sont les Espagnols qui vont se démerder des
pateras pour franchir le Détroit de Gibraltar dans le sens inverse.»
Et il
ajoute, dans un élan de grande trouvaille qu’après les Espagnols, on verra les
Portugais, les Italiens et les Français leur emboîter le pas pour venir
« quémander des petits boulots au Maroc où la croissance économique n’est
pas si mal que cela ».
D’abord, le climat des affaires au Maroc n’est pas au beau
fixe. Loin s’en faut. Les turbulences sont multiples. Les intempéries vont
se succéder. Et rien ne garantit que les chiffres de croissance avancées par
plusieurs institutions nationales ne soient pas que de la poudre aux yeux.
Il n’y a qu’à faire un tour dans
le vrai Maroc, les quartiers périphériques, les zones populaires, les milieux
ruraux, les petites bourgades, les patelins et autres douars, pour se rendre
compte, que les Marocains ne sont pas mieux lotis que les Grecs. J’irai même
jusqu’à affirmer que les Grecs se portent encore mieux que des millions de
Marocains.
Ensuite, l’idée selon laquelle les Espagnols vont affluer en
grand nombre par Sebta et Melilla est fausse. Si certains cadres ont trouvé des
jobs à Casablanca ou à Rabat, ce n’est que du provisoire en attendant que la
situation s’arrange du côté de Madrid. Mais les maçons, les peintres en
bâtiment, les menuisiers, les éleveurs, les petits cadres et les saisonniers ne
vont pas investir Ktama et ces champs.
Non. Ce sont d’abord les Marocains
immigrés en Espagne qui vont rentrer au bercail. Ils vont laisser la place aux
autochtones qui sont dans l’obligation d’accepter n’importe quoi pour ne pas
sauter par une fenêtre quand les huissiers débarquent pour les expulser de
leurs domiciles, acquis à crédit.
Non, mon ami, les pateras, ce n’est que dans un sens. Pour
le moment et jusqu’à nouvel ordre mondial, une fatalité. Pedro et Jaime ne vont
pas être rejetés sur les rives de Ksar Sghir. C’est la triste réalité que ni le
chauvinisme de bas étage, ni le nationalisme à deux sous ne vont changer.
Se refuser à voir certaines dures
réalités ne les empêche pas de s’enraciner davantage dans le corps du pays. Je
préfère être celui qui a ouvert les yeux, qui veut voir la crasse là où elle
s’amoncelle que de vivre par succédanés illusoires pour épargner sa
bien-pensance et se sentir confortable dans son politiquement correct.
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