Jon McGregor signe un
recueil de nouvelles à la fois dur et sans compromis sur le monde actuel. Dans
cet opus, c’est une Angleterre abimée qui est donnée à voir.
L’étrange
M. McGregor. Cet homme déroule les mots comme des couteaux qui émincent tout ce
qui se qui se trouve sur leur chemin. Rien ou presque ne trouve grâce à ses yeux dans une
Angleterre disloquée. Le paysage d’abord. Des routes bétonnées où plus rien ne
survit en dehors de la rutilante machinerie. Les fêlures des jours défilent
dans un univers sans teintes. Et c’est là que l’écriture de Jon McGregor
devient jubilatoire.
Des
textes très courts, parfois une seule page suffit pour créer un monde avec ses
folies, ses déboires, ses attentes avortées. On passe tour à tour, d’une poésie
moderne où l’on côtoie quelques sphères insoupçonnées à des passages ultra
modernes, lourds, parfois maladroits, mais qui équilibrent le récit. Mais le
maître mot ici demeure la précision. McGregor écrit au hachoir. Il suit son
idée dans ses confins et ne laisse rien échapper à sa loupe pour rendre les
atmosphères morbides, diaboliques, glaciales et mortelles.
Refuge et subterfuge
Pour
McGregor, il n’est pas question de surfer sur cette vague moderne de livrer en
série des épisodes de vie, facile et
digestes. Non, même en une seule phrase, le condensé est tel que l’on
est pris de frayeur devant le destin étrange qui se dessine devant nous. « Fils de fer », « On se
fait signe… », « On faisait juste une ballade en voiture», il s’agit
certes de pans de vie, mais ce sont les situations humaines qui marquent.
Accident,
nage dangereuse, catastrophe… le danger guette. Et c’est cette menace qui peut
fondre de partout qui tient en haleine. On ne sort pas indemne de telles
lectures. « En hiver le ciel », « Cherche vagin », L’œuf et
la poule », d’autres dérives, d’autres glissades vers des abimes béants
prêts à engloutir l’existence de tant de protagonistes qui semblent désarmés,
non devant leur destin, mais une succession d’éléments qui définissent leurs
parcours.
Entre regrets, volonté certaine de bien faire sans y parvenir,
l’implacable machinerie de la vie broie tout au passage. L’apocalypse dans sa
terreur post-moderne est né sous la plume de Jon McGregor, il ne reste plus
qu’à se trouver un refuge. Ou un subterfuge.
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