vendredi 8 mars 2013

Journée du 8 mars: La femme n’est pas l’avenir de l’homme au Maroc


Le Maroc célèbre la journée de la femme, le 8 mars 2013, sur fond de mécontentement de la société civile. Un net recul est enregistré au niveau de l’égalité avec les hommes, avec une recrudescence de la violence et de la stigmatisation.

Les femmes souffrent au Maroc. C’est un constat fait par la majorité des associations, des ONG et des activistes de la société civile qui se sont penchés sur la situation de la femme marocaine durant les cinq dernières années. Le même  son de cloche revient comme un leitmotiv. La femme marocaine a perdu du terrain dans sa lutte pour ses droits fondamentaux. Elle a même, pour les plus pessimistes, perdu certains acquis arrachés au forceps pour un soupçon d’égalité avec les hommes. Les points noirs sont très nombreux. 

Chaque tare sociale s’accompagne de son lot d’affaires, de drames et de chiffres à l’appui. Discriminations, violences conjugales, viols, meurtres, exploitations, esclavage, harcèlement physique et moral, exclusion et ostracisme de tous genres.    Pire, avec l’avènement d’un gouvernement dirigé par le PJD, parti islamiste, la représentation féminine au sein du gouvernement s’est réduite comme peau de chagrin. Une seule et unique femme ministre. Bassima Hakkaoui, à qui revient, comme un pied de nez, le rôle de plaider pour la solidarité, la famille et la femme.

Droits des femmes
Très discrète, la ministre de la Solidarité, de la femme, de la famille et du développement social, Bassima Hakkaoui, se contente du strict minimum pour dénoncer une réalité en expansion au Maroc. «La lutte contre la violence à l’égard des femmes, sous toutes ses formes, constitue l’un des fondements de la protection des droits des femmes et un devoir auquel nous devons tous participer dans un esprit de coopération et d’ouverture sur les différentes expériences positives en la matière», explique Mme Hakkaoui, qui met ici le doigt sur un phénomène de plus en plus répandu. 

Une Marocaine sur trois est victime de violence. «Près de six millions de femmes marocaines souffrent de violence, sous toutes ses formes », et dans 55% des cas, il s'agit de «violences conjugales », assène Mme Hakkaoui. Coups et blessures, torture, séquestration insultes, humiliations, privations de tous types, la femme marocaine encaisse et se tait. Des voix montent pourtant et enregistrent leurs plaintes au près d’associations qui croulent sous les demandes d’aides et de soutien. L’association Solidarité féminine, l’ONG dirigée par Aïcha Ech Chenna, recense, chaque année, un grand nombre de plaintes des femmes victimes de violences  sexuelles. 

Et le phénomène s’amplifie chaque jour davantage.  « La violence contre les femmes au Maroc existe dans l'imaginaire collectif, les mentalités et les rites », précise Aïcha Lekhmass, avocate et militante marocaine, qui ajoute, dégoûtée, que «Tant qu'il y a des jeunes femmes qui se suicident parce qu'elles sont forcées de se marier, le chemin reste encore long ».

Le syndrome Amina Filali
Devant cette situation qui se dégrade de plus en plus, le gouvernement de Abdelilah Benkirane a tenté de faire passer une loi permettant à un violeur d'échapper à la prison. Un an après “ ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui l’antécédent « affaire Filali », les défenseurs des droits des femmes  se sont mobilisés pour faire front contre le mariage des mineures.

On s’en souvient,  le suicide de Amina Filali en mars 2012, avait choqué tout un pays. Contrainte d'épouser son violeur, conformément à l'article 475 du code pénal, l'agresseur présumé avait échappé aux poursuites.

Un an après ce drame, l'article de la discorde est sur le point d'être amendé. Après le soutien du gouvernement islamiste, l'adoption par les députés est prévue pour les semaines à venir. Pour la députée du Parti du progrès et du socialisme (PPS), et ex-présidente de l'Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM), Rachida Tahri, le mariage des mineures, dont le nombre de cas est passé de 30.000 en 2008 à plus de 35.000 en 2010, selon des chiffres officiels, ne cesse d’augmenter. 

Pourtant, si l'article 19 du code de la famille, adopté en 2004, interdit le mariage pour toute personne de moins de 18 ans, les deux articles suivants offrent la possibilité à un juge de déroger à cette règle.

Femmes rurales

En ce qui concerne la situation de la femme marocaine en milieu rural, les choses sont encore plus graves. «La femme rurale participe à l’économie du pays à hauteur de 60%. Cependant, sa situation social et économique ne cesse de régresser. Elle ne jouit même pas de ses droits humains les plus élémentaires. Elle est victime d’une marginalisation croissante, de discrimination et de violence». 

C’est le bilan établi par l’Organisation de la femme du secteur agricole et forestier, affiliée à la Fédération nationale du secteur agricole dépendant de l’UMT (Union marocaine du travail). Réduite, dans certaines régions à l’esclavage, elle trime, travaille dans les champs, élève les enfants et se fait battre. Les filles, elles sont, dans la majorité des cas, contraintes d’abandonner l »école pour travailler dans les champs ou officier comme bonnes à tout faire  dans les grandes villes.

Le tableau est noir. Il serait ridicule de vouloir l’embellir, le maquiller ou lui faire un lifting de façade. Même les médias sont régis par la même loi de l’exclusion et de la limitation des chances. Le ministre de la Communication marocain, Mustapha El Khalfi  a été clair à ce sujet face à l »’énormité des chiffres. Pour lui, «L’accession des femmes journalistes aux postes à responsabilité est très limitée», une reconnaissance  qui atteste d’une réalité telle que le chemin vers la réussite semble condamné d’avance, avec quelques rares exceptions.  

« Cette situation est tout à fait contraire au principe de l’égalité consacré par la constitution», insiste M. El Khalifi.  En effet, les femmes journalistes détenant la carte professionnelle de presse au Maroc représentent uniquement 28 % de l’ensemble du corps journalistique. Soit 600 femmes, selon les chiffres de 2011. Comme quoi, même pour défendre les femmes, les consœurs journalistes doivent s’arranger avec l’amère réalité.    




Le 4 mars l’autre journée de la femme
Le lundi 4 mars, le monde a célébré la Journée Mondiale de Lutte contre l’Exploitation Sexuelle. Au Maroc, cela a été une occasion de faire  l’occasion de faire le point sur ce fléau qui menace les Marocaines. Pour Fouzia Assouli, présidente de l’Association Démocratique des Femmes du Maroc ADFM, l’exploitation sexuelle, ou la prostitution, est une forme d’esclavage. Viol, inceste et violence fondée sur le genre font partie des traumatismes qui peuvent pousser une personne à se prostituer, selon elle. A court ou à long terme, la prostitution peut entrainer de graves conséquences : perte d’estime de soi, tentatives de suicide, dépendance aux drogues et exclusion sociale. D’après Fouzia Assouli, si on note une prédominance des femmes dans le domaine de la prostitution, les hommes sont également concernés, même s’ils ne représentent qu’une minorité. Elle souligne cependant que la quasi-totalité des clients sont des hommes.

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