Le réalisateur de Bad Lieutenant et de Nos funérailles, Abel
Ferrara, avait présenté Go Go Tales à Cannes en 2008. Quatre ans, après, il
sort enfin en salles. Une plongée érotique et sans compromis dans le monde de
la nuit. Sublime.
Abel Ferrara est un cinéaste économe.
Mais chaque film est un événement. Une leçon de cinéma. Une percée dans
l’univers de l’imagerie à un moment où d’autres réalisateurs préfèrent la
facilité. Avec GO GO Tales, Abel Ferrara renoue avec le monde de la nuit. Nous
sommes dans le Paradise, un
cabaret branché de gogo danseuses situé dans le Sud de Manhattan.
C’est une
réelle fabrique à rêves que dirige un dénommé Ray Ruby. Un soir Ray Ruby et son
bras droit, le comptable Jay, doivent affronter la colère de la propriétaire
des lieux bien décidée à les expulser. Pire, les danseuses menacent de se
mettre en grève. Ray tente sa chance à la loterie... Rien d’extraordinaire, en
somme. Sauf que sous l’œil d’Abel Ferrara, le cabaret revêt des aspects à la
fois bibliques et expiatoires. Il s’agit d’une descente en roue libre dans les
méandres d’une vie parallèle, celle des noctambules. Nous sommes bien avant le
11 septembre.
C’était une autre vie. Tout fout le camp une fois le drame frappe
la ville. Le sexe, le striptease, l’effeuillage de sens, l’argent, la drogue,
rien n’y fait. Il faut prendre un nouveau virage. Les esprits s’échauffent,
perdent leurs repères et donnent de la voix. Et là, face à ces petits désagréments de la vie des
gens de la nuit, c’est l’autre face du monde qui est révélée.
Le souci du cinéaste Ferrara, n’est pas
de singer un énième film, style vintage sur les cabarets. Mais surtout de
montrer qu’en bon électron libre dans un monde régi par les grandes Majors, il
peut faire son film comme il l’entend, avec sa propre vision des choses. C’est
justement cette métaphore d'un cinéma indépendant créatif, en panne sèche de
financements qui rend cet opus à la fois atypique, captivant et surtout
profond.
Oui, on peut aussi faire de grands films, avec de vrais sentiments,
signant de grands acteurs comme Willem Dafoe, sans se payer la tête des gens. D’ailleurs, Willem Dafoe joue également
l’autoportrait du cinéaste comme un clin d’oeil très vicieux et inspiré. Et
c’est jubilatoire.
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