Peu
après avoir réussi à s’arracher à la prostitution, une jeune Haïtienne découvre
un jour que, sous ses apparences de bourgeoise protégée, la propriétaire de
l’hôtel qui l’emploie désormais n’est, comme elle, qu’une femme en souffrance.
Mais, durant l’inattendu dialogue qui s’engage alors, la “domestique” ne cesse
de voir surgir les images du terrible passé qui a irrémédiablement fait
naufrager son destin et brisé tous ses rêves.
Comment
ne serait-elle pas hantée par ce jour de triste mémoire où, poussée à bout par
les abominables sévices sexuels qui lui étaient, comme à tant d’autres,
impunément infligés par des nantis habitués à abuser sans vergogne de la misère
de leurs inférieurs, elle a, entre provocation et désespoir, accepté de devenir
la concubine du chef de gang qui faisait la loi dans le plus vaste bidonville
du pays ? Et comment oublier de quelle déchéance et de quelle dépravation elle
a payé sa soumission à ce sanguinaire potentat avant que l’assassinat de ce
dernier ne la contraigne à fuir pour échapper à la haine féroce du nouveau
“patron” des cités dont elle avait naguère refusé les avances? Dans cet
impressionnant roman dont tous les personnages sont embarqués sans retour dans
la spirale de la violence, Henry Kénol, s’inspirant de la crapuleuse prise en
otage des cités-bidonvilles d’Haïti par des gangs armés au début des années
2000, décrit sans tabou la scène ordinaire d’un enfer sur terre où
l’impuissance des victimes rencontre le silence assourdissant du corps
politique.
Editions Actes Sud.
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