L’auteure croate Daša Drndić signe un roman costaud où le poids de
l’histoire écrase des décennies entre horreur, espoir et volonté de donner
corps à des vies oubliées.
Tout part de quelques images. Des
photographies que l’on prend, que l’on regarde et qui racontent des vies. Tout défile
alors en noir et blanc. Le passé resurgit. Il est lourd. Il est opaque. Il faut
y voir clair. Sonnenschein où le mot soleil luit de toute sa lumière, malgré toute la
tragédie qui défile en filigrane, est un roman, dans ce sens où Daša Drndić a
créé des univers de toutes pièces,
mais avec des personnages qui ont réellement existé. Tout est consigné, vies
passées, minutes de procès, photographies plus vraies que nature, bref, un réel
travail de documentation pour Daša Drndić qui livre un roman intense tout comme
ces Balkans, à la fois magiques et tragiques.
Si tout démarre avec des souvenirs,
très vite, l’horreur prend place. Le récit est de plus en plus dense. Et aussi
atroce. Nous sommes en plein Seconde Guerre mondiale. On rencontre Haya qui a
aimé Kurt Franz, un SS surnommé Lalka. La traduction nous apprend qu’en
polonais cela veut dire Poupée. Il est vrai le personnage était d’une beauté
parfaite. Encore une fois les photos font leur jeu de pistes. Il entre dans la
boutique de Haya, achètes de la pellicule pour assembler un album de souvenirs.
Un condensé des belles années. Elle l’aime. Il l’adore. Leur enfant sera enlevé. Puis plus de
soixante ans passent. C’est là un passage à couper le souffle tant il est
raconté avec force et simplicité.
Tout un pan de l’histoire du nazisme
est ici raconté avec brio. Sans ce pathos habituel qui alourdit les
atmosphères, mais avec du recul, sous forme d’observations active d’une période
noire de l’histoire humaine.
Mais ce procès est proche de celui de
Kafka. Il est vide. Il est presque
irréel tant la vérité est absente, lointaine, intouchable. Inexistante, en
réalité. C’est l’attente qui est ici au centre de l’écriture. L’attente du
passé qui a plié ses souvenirs. Dont les manifestations demeurent dissimulées
sous un voile d’oubli et de rage. Daša Drndić offre un beau récit sur le futur
en parlant de passé. Elle absout l’horreur en la remplaçant par le désir de
voir les jours anciens ensevelis, sans être oubliés, mais faisant place à des
souvenirs à venir.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire