jeudi 27 juin 2013

« Lionel Asbo, L’Etat de l’Angleterre » de Martin Amis: La célébrité est une religion moderne


L’écrivain britannique revient en force avec un roman drôle et vivace sur les classes populaires anglaises. Entre vitriol et politiquement incorrect, c’est un Martin Amis costaud qui est donné à lire.



Cette chère Angleterre dans ce qu’elle de pathétique, de morbide et de trash. Livrée ici sous la plume acerbe d’un Martin Amis qui a retrouvé pour le coup toute sa verve. L’auteur de « Train de nuit » (1997)  et de La  flèche du temps (1991) passe son pays au crible et n’en rate pas une miette.
Rien de tel pour raconter la dérive d’une nation que d’aller au près du caniveau, là où la vie racle le macadam, sans discontinuer. C’est là que Martin Amis déniche un voyou, tout droit sorti d’un film de Ken Loach. Aussi réaliste que sympathique. Il n’est pas futé. Mais il n’est pas con, son héros déchu. Mais la chance sourit. Le paumé patenté décroche la timbale. Il empoche l’Euromilion et devient une vedette. Lionel Asbo (lisez aussi l’acronyme Anti social Behaviour Order) est un personnage qu’on a n’a pas envie de fréquenter. Il est rustre, pas poli pour un sou, il picole tout le temps, mate des films pornos et invective les gens à longueur de journée. Bref, un gars d’aujourd’hui, dans toute la misère de sa misérable existence. Comme le veut cette toujours bonne vieille Angleterre, priorité à la vulgarité. C’est une priorité nationale comme le souligne Martin Amis, lui-même. C’est une caste de types qui roulent leur bosse, touchent à tout, décident de ne pas être intelligents, parce que cela nuit à la santé et qui finissent, comme par hasard, un jour, par gagner au loto. Et quand Lionel Asbo devient une icône nationale, sa décadence n’a plus de limite.
Le pouvoir de l’argent

Le propos est ici très juste. Nous sommes face à un type haïssable à tous les points de vue, pourtant, il est adulé. Ce paradoxe nous  met face à une autre lecture de ce roman très actuel. Le monde moderne est tellement plat que les loosers, ceux qui ne sont rien peuvent du jour au lendemain, devenir des Noms célébrées à qui l’on déroule le tapis rouge et on fait des salamaleks. 
Martin Amis le résume très bien : «Désormais, on est une star uniquement parce qu'on est riche. Si l'on prend des célébrités comme Paris Hilton ou Kim Kardashian, on remarquera qu'il ne s'agit pas d'actrices ou de chanteuses. Ces gens ne sont rien, ne font rien, ne servent à rien, comme le personnage de mon livre qui est un criminel, mais une grande partie de l'humanité les adule.»
L’argent érigé en table des lois. Le fric monté en autel religieux devant lequel on fait des génuflexions. Le pognon qui fait d’un moins que rien à monsieur que l’on doit écouter. Finalement, avec Amis, on se rend compte que la nouvelle véritable religion, c’est la célébrité. Peu importe qui tu es, il suffit qu’on te voit sur un écran et qu’on parle de toi, pour être important. Amen.


Editions Gallimard. Collection Du monde entier.  

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire