Le film Le Premier homme,
produit par Abdou Achouba et réalisé par le cinéaste italien Gianni Amelio a
été projeté le 13 juin 2013 dans le cadre du Festival de Fès des musiques
sacrées du Monde. Une oeuvre de paix par temps troubles.
Pour une première s’en est une. Et elle cadre avec le titre d’un
film très actuel : Le Premier homme d’après Albert Camus. Œuvre posthume,
trouvé dans son cartable lorsque la voiture de Michel Gallimard qui
l’accompagnait, s’est écrasée à Villeblevin dans l'Yonne, le 4 janvier 1960, c’est un
chef-d’oeuvre qui est porté à l’écran. Un coup de maître d’Abdou Achouba, grand
producteur marocain et cinéaste inspiré, qui a su trouver les gens qu’il faut
pour donner vie à un opus cinématographique de toute beauté.
Il a fallu l’écrin de Fès, sa présence spirituelle dans le monde
et ce rayonnement tout en recueillement pour entourer Albert Camus d’un voile
de pureté dans un monde où la présence de tels hommes se fait pressante. Une
nécessité humaine, trop humaine, qu’Abdou Achouba a porté sur ses épaules et qui a trouvé écho chez un autre
passionné, nommé Faouzi Skalli.
Le sang des
autres
Quand Camus rejoint Fès, cela donne corps à une réflexion en
profondeur sur les valeurs qui étaient les siennes. A ce titre, Edgar Morin,
présent dans la cité spirituelle, a rappelé que l’humanisme en relation avec le
commerce des hommes est toujours une mise à l’épreuve périlleuse. Toute la
volonté d’une telle entreprise philosophique est d’assurer à l’homme le combat
face à l’absurde. Gageure tenue par Abdou Achouba qui sait que ce film sur
Albert Camus, arrive à un moment de l’histoire où chacun est placé devant ses
responsabilités. Aucun subterfuge moral ou idéel n’est permis si ce n’est
l’engagement en homme libre pour la liberté des autres. C’était et c’est encore
le message de Camus. C’est aujourd’hui la lutte au prix du sang de tant de
peuples arabes et autres qui veulent s’affranchir de tant de servitudes :
politiques, idéologiques et financières.
Intégrité
humaine
Les penseurs et artistes présents à Fès pour cette projection du
film, autour d’Abdou Achouba, qui sillonne le monde avec son opus, fier de
montrer tout l’à propos d’un film actuel, sont tous d’accord que Le Premier
homme n’est qu’une métaphore, en creux, des bouleversements que vit le monde
arabe aujourd’hui. Film qui lie un certain passé colonial de révolte de mort
pour la souveraineté et l’intégrité
à un soulèvement humain, guidé aujourd’hui par le refus de générations
entières de ployer, encore sous des jougs barbares. L’image de l’Emir
Abdelkader, le résistant algérien, homme d’esprit et penseur s’il en est, est
là, qui nous rappelle qu’il était aussi un érudit, un fin connaisseur de la philosophie et des hommes. Si
l’auteur de l’Homme révolté est célébré par Gianni Amelio, avec un excellent
Jacques Gamblin qui campe un Camus à la fois fragile et fort de ces principes,
c’est aussi un témoignage culturel qui place ce Premier homme au centre des relations entre deux pays voisins,
le Maroc et l’Algérie, réunis aussi par l’écrit. Le message du film est aussi que ce qui lie les hommes est toujours
plus fort que ce qui les divise. Peut-être est-ce beaucoup plus vrai
aujourd’hui dans un monde clivé où les dissensions sont une arme de destruction
massive.
Le propos est donc là. Un grand film, un grand livre, un immense
auteur, Prix Nobel de littérature, journalise engagé qui plus est, Plus de
cinquante après sa mort, qui est toujours au centre des réflexions humaines de
ce monde tant son regard aigu et sa pensée ont été projeté en avant, en
visionnaire.
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