vendredi 21 juin 2013

Le Premier Homme d’après Albert Camus projeté à Fès: Quand Camus rapproche Rabat et Alger


Le film Le Premier homme, produit par Abdou Achouba et réalisé par le cinéaste italien Gianni Amelio a été projeté le 13 juin 2013 dans le cadre du Festival de Fès des musiques sacrées du Monde. Une oeuvre de paix par temps troubles.




Pour une première s’en est une. Et elle cadre avec le titre d’un film très actuel : Le Premier homme d’après Albert Camus. Œuvre posthume, trouvé dans son cartable lorsque la voiture de Michel Gallimard qui l’accompagnait,  s’est écrasée à Villeblevin dans l'Yonne, le 4 janvier 1960, c’est un chef-d’oeuvre qui est porté à l’écran. Un coup de maître d’Abdou Achouba, grand producteur marocain et cinéaste inspiré, qui a su trouver les gens qu’il faut pour donner vie à un opus cinématographique de toute beauté.
Il a fallu l’écrin de Fès, sa présence spirituelle dans le monde et ce rayonnement tout en recueillement pour entourer Albert Camus d’un voile de pureté dans un monde où la présence de tels hommes se fait pressante. Une nécessité humaine, trop humaine, qu’Abdou Achouba a porté sur ses épaules  et qui a trouvé écho chez un autre passionné, nommé Faouzi Skalli.
Le sang des autres
Quand Camus rejoint Fès, cela donne corps à une réflexion en profondeur sur les valeurs qui étaient les siennes. A ce titre, Edgar Morin, présent dans la cité spirituelle, a rappelé que l’humanisme en relation avec le commerce des hommes est toujours une mise à l’épreuve périlleuse. Toute la volonté d’une telle entreprise philosophique est d’assurer à l’homme le combat face à l’absurde. Gageure tenue par Abdou Achouba qui sait que ce film sur Albert Camus, arrive à un moment de l’histoire où chacun est placé devant ses responsabilités. Aucun subterfuge moral ou idéel n’est permis si ce n’est l’engagement en homme libre pour la liberté des autres. C’était et c’est encore le message de Camus. C’est aujourd’hui la lutte au prix du sang de tant de peuples arabes et autres qui veulent s’affranchir de tant de servitudes : politiques, idéologiques et financières.
Intégrité humaine
Les penseurs et artistes présents à Fès pour cette projection du film, autour d’Abdou Achouba, qui sillonne le monde avec son opus, fier de montrer tout l’à propos d’un film actuel, sont tous d’accord que Le Premier homme n’est qu’une métaphore, en creux, des bouleversements que vit le monde arabe aujourd’hui. Film qui lie un certain passé colonial de révolte de mort pour la souveraineté et l’intégrité  à un soulèvement humain, guidé aujourd’hui par le refus de générations entières de ployer, encore sous des jougs barbares. L’image de l’Emir Abdelkader, le résistant algérien, homme d’esprit et penseur s’il en est, est là, qui nous rappelle qu’il était aussi un érudit,  un fin connaisseur de la philosophie et des hommes. Si l’auteur de l’Homme révolté est célébré par Gianni Amelio, avec un excellent Jacques Gamblin qui campe un Camus à la fois fragile et fort de ces principes, c’est aussi un témoignage culturel qui place ce Premier homme au centre  des relations entre deux pays voisins, le Maroc et l’Algérie, réunis aussi par l’écrit. Le message du film est aussi  que ce qui lie les hommes est toujours plus fort que ce qui les divise. Peut-être est-ce beaucoup plus vrai aujourd’hui dans un monde clivé où les dissensions sont une arme de destruction massive.
Le propos est donc là. Un grand film, un grand livre, un immense auteur, Prix Nobel de littérature, journalise engagé qui plus est, Plus de cinquante après sa mort, qui est toujours au centre des réflexions humaines de ce monde tant son regard aigu et sa pensée ont été projeté en avant, en visionnaire.

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