vendredi 11 octobre 2013

« Prisoners » de Denis Villeneuve Froid dans le dos


Le réalisateur québécois Denis Villeneuve signe l’un des films les plus puissants de ces dernières années. Un thriller d’un type nouveau avec Hugh Jackman et Jack Gyllenhaal.




Est-ce un indice quand un grand réalisateur de films noirs, voire d’horreur, comme William Friedkin, se met à encenser un film sur son compte Tweeter ? A voir le film, on souscrit à tout ce que dit le metteur en signe de « L’exorciste ». Pour cette histoire nichée dans une  banlieue bostonienne des plus froides et sans âme, c’est le destin d’un flic qui traque des kidnappeurs de deux jeunes gamines et un père qui devient fou tant la douleur est intenable. Les deux hommes se perdent dans une enquête terrible, écrite et surtout filmée comme un immense labyrinthe inextricable duquel, il est presque impossible de s’en sortir. Le mot labyrinthe n’est pas ici une parabole. Il y a certes l’enquête tortueuse, mais de vrais dessins sous forme de labyrinthe qu’il faudra comprendre, résoudre pour avancer un tantinet dans cette chasse à l’homme, plus improbable qu’effrayante.
Film américain signé par un Canadien, il y a cette vision du western dans toute sa beauté qui affleure, doublé du drame urbain qui se joue en huis clos, façon Eastwood dans « Mystic River » ou encore Ben Affleck dans le sublime « Gone Baby Gone ». Mais il y a ce trait de génie chez Denis Villeneuve qui rend toutes ces atmosphères dans un récit écrit avec brio.
Angoisse et souffrance
La nature, les atmosphères ont ici un rôle capital. C’est un personnage à part entière qui vient donner la réplique au père et au flic. Pluie incessante, ciel couvert, froid de plus en plus mordant, Boston devient la ville de la souffrance. Tout est y pesant. On sent les protagonistes rapetisser sous l’écrasement de ce rouleau compresseur qui donne encore plus de tension à une course folle d’une semaine, de puzzle en puzzle pour sauver deux vies innocentes. Dénis Villeneuve le souligne dans ces mots : On a essayé de reproduire cette qualité « argentée » dans la lumière. Les nuits sont plus lyriques, plus radicales : il fallait qu’on sente le combat de la lumière pour percer les ténèbres. On voulait créer un sentiment de claustrophobie. Dehors comme à l’intérieur, avec des personnages contraints de traverser un cadre, de passer des portes…».
Grand cinéma
Le rendu est sublime à tous les points de vue. Evidemment l’angoisse grandit. L’horreur prend de plus en plus corps. Et les deux hommes comme les deux fillettes restent en suspens. C’est cette lévitation comme pris dans une tornade sans jamais pouvoir toucher terre, tout en restant conscient du vertige, qui fait de « Prisoners », un des films les plus forts du moment. Tout est centré sur la fragilité humaine. Les personnages sont vulnérables , friables, perdus. Ils ne sont pas des héros. Ils ne sont pas non plus des anti-héros. Juste des gens que la vie malmène. C’est là que réside la justesse du traiteme,t de Denis Villeneuve qui a travaillé sur un scénario, écrit par un autre, mais auquel il a apporté juste ce qu’il faut pour rendre plus tendu un scénario bien ficelé : «En lisant le scénario, la tension et le suspense étaient déjà là, je n’avais pour ainsi dire qu’à suivre le découpage. Mon travail a surtout consisté à prendre soin des personnages, à me rapprocher de leur vulnérabilité, de leur conflit moral intérieur.» précise le réalisateur du film.
Réalisé par Denis Villeneuve. Avec Hugh Jackman et Jack Gyllenhaal.
Actuellement en salles au Maroc. 

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