Imaginez
une caméra à ras le sol. On ne voit aucun visage. Juste des pantalons maculés de
sang frais. Des mains qui arrivent
aux genoux, munies de grands couteaux dégoulinant. Juste des pieds qui marchent et au ras des
trottoirs, on voit ces détritus, restes de bouffe pour moutons, leurs
déjections, des flaques d’eau pourries qui courent le long du caniveau.
Et
plus loin, toujours à ras de terre, du feu, un brasier avec des morceaux de
bois coupés sommairement. Des têtes de bêtes qui crament, des pieds de
biches qui grillent. De la fumée, du sang, une odeur âcre et pas une pointe de
ciel bleu.
Non, ce n’est pas du tout un passage de Sur
la route de Cormac McCarthy. Ce
n’est pas un quartier périphérique de Homs, après un carnage. Cela se passe
près de chez vous, le jour de la fête du grand sacrifice devant l’éternel.
C’est
juste une fête. Juste de la joie. Une manière bien de chez nous pour manifester
le bonheur de manger de la viande. Vous savez qu’on peut devenir marteau si on
ne tue pas la bête ce jour-là pour voir le sang gicler et passer, juste après à
la boustifaille grasse et gluante.
La
vue du sang est ici importante. Rite païen, très ancien, ancré dans les
subconscient. Il remonte au temps où nos ancêtres traquaient le gibier et le
mangeaient cru à pleines dents.
De
nombreuses personnes vendent des biens
pour se payer une carcasse de mouton. On n’hésite pas à tout brader pour
peu que l’on se fasse plaisir en engloutissant des kilos et des kilos de
barbaque.
D‘ailleurs,
vous avez remarqué que chez nous au Maroc, on mange presque tout dans un
mouton. Même la peau est recyclée. On ne lâche le morceau qu’après avoir fait
un sort à la bête. On mange même les yeux, la langue, les tripes, les
poumons, les intestins, les oreilles, la cervelle, rien n’échappe à l’appétit
féroce du Marocain.
Non,
ce n’est pas de la rage devant le gibier frais, mais le goût de la bouffe. Le
Marocain est mangeur. Il aime la viande et il le fait savoir. C’est un atavisme
qui date de longtemps, on le sait.
Mais
concilier saletés et nourriture, pourrir les villes au nom de la viande, laisser
des tonnes de déchets dans les rues et sur les boulevards, il y a une frontière
très épaisse entre vieux instincts et civisme. Là, le Marocain n’a pas encore
réussi à faire le nettoyage. Mais on ne perd rien à attendre. Un jour, ça
viendra.
Ces « caméras » en voie d’intelligence existent depuis le Paléolithique. Pourtant première cause d’effet mouton, il est malheureusement impossible de visualiser les images ancrées… la mémoire étant sélective, la compréhension d’un enfant partielle et le subconscient difficile à décrypter. En l’occurrence, le spectacle semble à mi-chemin entre cauchemar et rêve. Les petits bouts de chou qui filment tout ça contribueront à perpétrer le silence des agneaux en version plus ou moins politiquement correct, l’an prochain et tous les suivants… ! On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs, alors peut-être que quand la dentition des amies volailles brillera, le lecteur Hannibal ira sacrifier au sein d’un abattoir, sait-on jamais.
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