mercredi 23 octobre 2013

Le jour des grands couteaux


Imaginez une caméra à ras le sol. On ne voit aucun visage. Juste des pantalons maculés de sang frais. Des mains qui arrivent  aux genoux, munies de grands couteaux  dégoulinant. Juste des pieds qui marchent et au ras des trottoirs, on voit ces détritus, restes de bouffe pour moutons, leurs déjections, des flaques d’eau pourries qui courent le long du caniveau.
Et plus loin, toujours à ras de terre, du feu, un brasier avec des morceaux de bois coupés sommairement. Des têtes de bêtes qui crament,  des pieds de biches qui grillent. De la fumée, du sang, une odeur âcre et pas une pointe de ciel bleu.
Non,  ce n’est pas du tout un passage de Sur la route de Cormac McCarthy.  Ce n’est pas un quartier périphérique de Homs, après un carnage. Cela se passe près de chez vous, le jour de la fête du grand sacrifice devant l’éternel.
C’est juste une fête. Juste de la joie. Une manière bien de chez nous pour manifester le bonheur de manger de la viande. Vous savez qu’on peut devenir marteau si on ne tue pas la bête ce jour-là pour voir le sang gicler et passer, juste après à la boustifaille grasse et gluante.
La vue du sang est ici importante. Rite païen, très ancien, ancré dans les subconscient. Il remonte au temps où nos ancêtres traquaient le gibier et le mangeaient cru à pleines dents.
De nombreuses personnes vendent des biens  pour se payer une carcasse de mouton. On n’hésite pas à tout brader pour peu que l’on se fasse plaisir en engloutissant des kilos et des kilos de barbaque.
D‘ailleurs, vous avez remarqué que chez nous au Maroc, on mange presque tout dans un mouton. Même la peau est recyclée. On ne lâche le morceau qu’après avoir fait un sort à la bête. On mange même les yeux, la langue, les tripes, les poumons, les intestins, les oreilles, la cervelle, rien n’échappe à l’appétit féroce du Marocain.
Non, ce n’est pas de la rage devant le gibier frais, mais le goût de la bouffe. Le Marocain est mangeur. Il aime la viande et il le fait savoir. C’est un atavisme qui date de longtemps, on le sait.
Mais concilier saletés et nourriture, pourrir les villes au nom de la viande, laisser des tonnes de déchets dans les rues et sur les boulevards, il y a une frontière très épaisse entre vieux instincts et civisme. Là, le Marocain n’a pas encore réussi à faire le nettoyage. Mais on ne perd rien à attendre. Un jour, ça viendra.

1 commentaire:

  1. Ces « caméras » en voie d’intelligence existent depuis le Paléolithique. Pourtant première cause d’effet mouton, il est malheureusement impossible de visualiser les images ancrées… la mémoire étant sélective, la compréhension d’un enfant partielle et le subconscient difficile à décrypter. En l’occurrence, le spectacle semble à mi-chemin entre cauchemar et rêve. Les petits bouts de chou qui filment tout ça contribueront à perpétrer le silence des agneaux en version plus ou moins politiquement correct, l’an prochain et tous les suivants… ! On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs, alors peut-être que quand la dentition des amies volailles brillera, le lecteur Hannibal ira sacrifier au sein d’un abattoir, sait-on jamais.

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