mardi 1 octobre 2013

Dans l’enfer des jeux de hasard Entre les tocards, les outsiders et les favoris


Choses vues : plusieurs bureaux de paris sur les jeux e hasard battent son plein en ce moment. C’est la grande rentrée des courses des cheveux. Les turfistes marocains  se frottent les mains entre miettes gagnées et pertes sèches. Balade dans le milieu infernal des joueurs au hasard.




Les mines sont grises. Les têtes des mauvais jours. La course à Vincennes bat son plein. Les jockeys cravachent les croupes de leurs montures. C’est une course de Steeple Chase. La chaine Equidia qui transmet la course en direct de la banlieue parisienne  est le centre de tous les intérêts. Chacun y va de son commentaire. Tel jockey est un raté, tel cheval est un bâtard quand à cette jument, numéro 13 qui file vers la victoire est un tocard, qui va rafler la mise. Evidemment, tout le monde ou presque a misé sur les favoris. Le 5, le 8 e, le 6 et 2. Dans l’ordre.  Si le 13 gagne, le parieur inconnu peut se faire un joli pactole. Mais rien n’est moins sûr. 

Vieux de la vieille
Nous sommes  sur le boulevard de Paris, pas loin du conservatoire de musique de la ville. Des jeunes filent vers les cours quelques violons sous les bras. A côté, à dix mètres, il y a les parieurs, les joueurs du hasard, les accros de la chance qui finira, peut-être par tourner, un jour. Allal est un vieux briscard. Un « kemmar » invétéré. Il est presque la mascotte du coin. Il est aussi célèbre boulevard de Paris, que du côté de l’autre «trou au hasard » de la rue du Prince Moulay Abdellah ou encore boulevard Roudani.  Une vie au hasard. Plus de 30 ans de jeux. Tiercé, quarté, Quinté. Il lit le Paris-Turf comme d’autres le Coran. C’est son livre de chevet. Il connaît les jockeys, les juments, les hongres, les outsiders, les grands analystes du cheval dans le monde. C’est un pro. Quand il parle, il aligne les noms de célébrité, Soumillon et Peslier sont des connaissances. Oui, les deux meilleurs cavaliers du moment sont « de la famille. C’est eux qui me font gagner quand la chance tourne», assène Alla, un brin vexé par notre ignorance dans le domaine.  Très vite, il critique deux autres coureurs qui répondent aux noms de Schmidlin et Nabet. Pour lui, « ce ne sont pas de vrais champions. Ils truquent les jeux et font des combines ». On l’a bien compris, pour un parieur, c’est toujours la faute à pas de chance. Et les autres sont constamment pointés du doigt.
L’histoire de Allal est cella de milliers d’autres. Tous accrocs aux jeux. Lotto, Toto foot, grattage, jeux en ligne, tiercé, chevaux et chiens, là où on peut miser sur quelque chose, il y a addiction. Certains ont ruiné des vies. Comme le cas de cette célébrité casablancaise, très connu boulevard Abderrahim Bouabid, un pilier de bar, qui roulait sur l’or après un héritage et qui a tout joué en 6 ans. Aujourd’hui, il vend des cigarettes en détails pas loin de la gare de l’oasis. C’est que le goût de la gagne est terrible. On y  goûte une fois et le pli est prix. On joue, on rejouer, et toute une vie est passée en un clin d’oeil. Plus rien ne compte «il faut trouver de quoi acheter un ticket. On peut vendre ses souliers, hypothéquer sa télévision, certains ont été plus loin et ont sacrifié femme et enfants pour un ticket». Sauf que le ticket en question était, bien entendu, perdant.

Coups de malchance
Tous les parieurs rêvent du destin de cet autre vendeur de clopes de Bouchentouf qui est devenu millionnaire  en un instant. Il a acheté un ticket. Il a joué. Il a gagné plus de 100 briques. Coup de chance. Mais rare. Mais cela ne démotive pas les risquilleurs. Toujours boulevard de Paris. La course est sur le point de finir. Le 13 mène la danse. Les gens s’insultent. L’atmosphère tourne vite au vinaigre. Quand la ligne d’arrivée est franchie. Pas un seul qui ait gagné un kopek. «J’ai perdu 300 dhs dans ce jeu. Mais je vais me refaire pour le second départ, celui de 13 heures », précise, Ali, un jeune parieur qui a bien potassé son manuel du turfiste optimiste. Ali, 24 ans est tombé dedans comme d’autres dans une potion magique. Mais s’il a gagné à deux reprises des sommes assez rondelettes n’excédant pas les 50 000 dhs, il jure ses grands saints et tous les jockeys du monde, les chiens et les juments, que le gros lot lui tend les bras. «Ca va venir, je vais gagner. Je le sais ». Comment ? Un secret que lui seul peut déchiffrer. Mais il s’y accroche. C’est sa raison de vivre.

Pertes sèches
Quand on lui montre tous les autres qui ont tous su qu’ils allaient casser la tirelire et qui ont fini clodos, il riposte : » il faut savoir s’arrêter. C’est le seul secret dans ce domaine. On attend de gagner le bon coup et on tourne la page ». C’est vrai. Mais presque tous les parieurs veulent gagner plus. Alors, la page  n’est jamais tournée. Plutôt leurs vies filent droit dans l’enfer. Car le quotidien d’un joueur est simple. Il ouvre les yeux, il saute du lit. Il sort. Il pointe au « trou ». Il est reste jusqu’à 10 heures du soir. Il mange au trou. Il se repose au trou. Il se bagarre au trou. Et parfois y passe la nuit, quand  on baisse les rideaux et qu’il n’y pas de lit douillet ailleurs pour l’accueillir.
Quand on quitte les lieux, ce jour là, dans l’après-midi, un air de désolation plane sur cet endroit. Des papiers jonchent le sol par milliers. Des vendeurs de cacahuètes et de cigarettes font la tournée. Des mômes sont cramponnées à des vieux  pour aller prendre les tickets contre quelques pièces de monnaie. Mais pas un sourire. Pas un seul visage qui respire la santé. Teint blafard dû au stress et à la perte qui les ronge tous les jours.
On ravale sa colère. On peste contre la terre entière. On sait qu’il n’y plus de retour possible quand on a été agrippé par l’enfer du hasard. Il faut aller mourir chaque jour, à petit feu, on attendant la roue de la fortune. Où elle sourit ou alors c’est un rouleau compresseur qui apporte le coup de grâce. 

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