C’est
à coup sûr l’unique discipline dans laquelle le Marocain réussit des exploits
sans précédents. Mater les autres, suivre leurs mouvements, scruter leurs moindres
secrets, fouiner dans leurs vies est un sport national avec tout ce que cela
implique comme séances d’entrainement, d’expérience et de savoir-faire,
accumulé au fil des ans.
Cela
ne souffre aucune argumentation. Il n’y a pas d’autres citoyens au monde plus
préoccupés par l’existence de leurs concitoyens plus que les Marocains.
Savez-vous que votre voisin, pas celui du pallier, mais celui qui habite à cinq
pâtés de maisons de chez vois, connaît jusqu’à la couleur de votre salle de
bain ? Oui, il peut même vous dire quel était la nature de votre dispute
d’avant hier avec votre femme. Ou alors carrément votre dîner en famille, il y
a un mois.
Rien
n’échappe à l’œil de lynx du Marocain. Et
comme il a une curiosité maladive, juste pour les secrets, les
manigances, les conciliabules, il passe un temps fou et dépense une énergie
considérable à traquer le moindre de tes mouvements. Non seulement dans le
voisinage, mais partout. Au bureau, les collègues s’épient et guettent les
failles des autres pour moucharder, casser du sucre sur certains dos ou carrément inventer. Dans les administrations, à l’école,
dans les clubs de sports, partout c’est le même exercice de style :
observer, plonger sa tête dans les affaires intimes et privées des autres. Et
attendre… On ne sait jamais. On
croirait à une guerre de tranchées ou les belligérants n’attendent que
l’instant fatidique pour sauter les uns sur les autres.
Même
les grandes amitiés à la Marocaine passent par le même dictat du vice de tout
savoir sur son meilleur ami ou sa meilleure copine. Un besoin maladif de tout
régenter, de s’immiscer par des brèches invisibles à l’œil nu, pourquoi ?
Là aussi, on ne sait jamais. Mieux vaut bien cerner son ami… qui peut devenir
son pire ennemi.
C’est
que pour le Marocain, grand calculateur devant l’éternel, rien n’est laissé au
hasard. Il faut se tenir prêt. Pourquoi ? On ne sait jamais, encore une
fois. On veut assurer ses arrières, même dans l’amour. Cela semble débile, mais
c’est une réalité. Et je défie qui que se soit d’honnête d’oser affirmer le
contraire. Entre Marocains, on se connaît tant et si bien qu’on ne va pas se
raconter des bobards.
On
croirait que toute relation humaine est menacée par le fait même d’être
possible. Entre hypocrisie criarde, mensonges, dissimulation, roublardise,
esquives et zigzags, nous sommes des êtres à part. Il faut même envoyer
d’autres espèces humaines du côté de chez nous pour apprendre l’art de biaiser
et de ne jamais être soi-même. C’est un atavisme de premier choix, on pourrait
songer à le fructifier, parce qu’au rythme que c’est part, ça ne changera
jamais.
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