vendredi 22 novembre 2013

Report du projet de loi contre le harcèlement des femmes On achève bien les femmes


La loi contre le harcèlement sexuel est renvoyée aux calendes grecques. Des points de discordes persistent sur la mouture finale.  Pas étonnant si les principales ONG affirment ne pas avoir été consultées pour apporter leurs expériences.


Jeudi 7 novembre 2013. Conseil du gouvernement.   Un rendez-vous attendu par des millions de femmes marocaines et par toute la société civile. A l’ordre du jour, des discussions sur le projet de loi contre le harcèlement sexuel des femmes au Maroc. Un vaste chantier. Très attendu par toute la population et les ONG. Mais qui aura avorté. Motif. Des dissensions au sein du gouvernement d’Abdelilah Benkirane sur des détails, importants, selon le chef du gouvernement. D’abord, le premier point soulevé est ce point qui incrimine l’un des conjoints en cas de conflit  à propos de biens commun. Si la nouvelle loi devait qualifier de vol tout abus de la part d’un des époux, plusieurs sensibilités au sein du gouvernement pensent qu’on ne peut pas parler de vol au sein d’un couple marié. Les liens sacrés du mariage étant au-dessus des contingences matérielles.   En effet, de nombreuses affaires, traitées devant la justice ont mis ce point sur la table. Les époux s’attaquent et s’accusent de faire main basse sur de l’argent, un compte en banque ou encore des meubles… Difficile, certes de parler de vol quand on a partagé une vie et fondé un foyer. Mais il reste qu’il y a souvent des abus contre les femmes. D’où l’importance de poser un tel sujet sur la table pour déterminer la procédure à suivre.

Points de discorde
L’autre pomme de discorde dans ce projet de loi concerne les peines. Pour plusieurs membres du gouvernement, elles sont jugées «trop sévères». Les harceleurs dans les rues pourraient risquer une peine d’un mois à deux ans d’emprisonnement ainsi qu’une amende de 1 000 à 3 000 dirhams. Il faut aussi préciser que «cette peine est doublée si ce délit est commis par un collègue  dans le cadre professionnel ou par des personnes chargées de veiller à l’ordre ou à la sureté dans les espaces publics», peut-on lire dans la mouture reportée dudit projet de loi. Et pour éviter toute confusion, le gouvernement a            défini le harcèlement comme suit : le harcèlement sexuel est «tout acte importun à l’encontre d’un tiers dans les espaces publics à travers des actes, des propos ou des gestes à caractère sexuel ou dans le but d'obtenir un acte de nature sexuelle». Le seul hic pour certains responsables d’ONG, est le fait que parfois, le harcèlement n’est pas à sens unique, visant uniquement les femmes. Il peut aussi être commis contre des hommes. Alors dans ce cas, que prévoit la loi ? Il faudra donc attendre que la commission ad hoc, désignée par le gouvernement, étudie le projet des lois et trouver les bonnes formules pour établir une loi sans failles au services de tous les citoyens.

Résistances islamistes

Ce projet de loi portant sur le harcèlement sexuel a été élaboré par le ministère de la Solidarité, de la Femme et du Développement social, en collaboration avec le ministère de la Justice et des Libertés. Il est donc une émanation du parti du PJD en la personne de deux ministres pjdistes, Bassima Hakkaoui et Mustapha Ramid. Il aurait été, selon de nombreuses associations et ONG nationales, un travail en solo par madame Hakkaoui sans consultations préalables avec des acteurs du terrain. De nombreuses entités comme l’Association marocaines de lutte contre la violence à l’égard des femmes, ou encore l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM) affirment ne pas être du tout au courant de ce projet de loi. Pire, plusieurs militantes, connues pour le travail sur le terrain, au contact quotidien avec les femmes, soulignent qu’elles ont appris qu’il y a un projet quand elles ont lu la presse nationale. Ce qui fait dire à Samira Bikardem de l’AFDM, que : «A notre connaissance, il n’y a jamais eu un projet de ce genre. Le seul projet dont nous sommes informées aborde le harcèlement sexuel dans le cadre d’une loi globale contre le phénomène de la violence à l’égard des femmes, élaboré du temps de Yasmina Badou au poste de ministre de Développement social, de la Famille et de la Solidarité (2002- 2007). Seuls quelques paragraphes y étaient consacrés au harcèlement sexuel. A ce jour, nous ne savons pas ce qu’il en est.».

Réalités du terrain

On comprend aisément que les ONG marocaines montent au créneau et dénoncent ce travail en solo de Madame Hakkaoui. Ce sont ces femmes militantes qui maîtrisent les réalités quotidiennes du harcèlement, qui n’est pas uniquement sexuel, amis aussi moral et psychologique. Cela va au-delà d’une drague poussé à l’extrême et mâtinée d’insultes voire de violence physique. Le harcèlement  se vit au travail par des patrons qui insultent, invectivent, rabaissent leurs employées femmes. Les hommes aussi y passent souvent. Dans ce sens, il aura fallu au moins contacter des centres d’écoute comme Nejma et d’autres qui reçoivent chaque jour des plaintes de femmes appartenant à toutes les catégories sociales et toutes les tranches d’âge. Pourtant, les préparatifs de ce texte de loi ont été faits sont que les militantes marocaines ne soient impliquées ni dans les concertations, ni pour affiner des points précis.  Certains militants y voient la main mise du PJD sur cette loi. Pour eux, «le parti islamiste au pouvoir a même voulu revoir à la baisse les peines pour les harceleurs. Tout comme cet aspect d’abus sur les biens de la femme par l’époux. On voit bien qu’on veut appliquer la charia  à la lettre alors que les réalités marocaines demandent une vision différente, certes en respect de la religion, mais adaptés au monde où on vit ».  Autrement dit, et c’est là un point commun à presque tous les militants contre la violence faite aux femmes, il faut des lois sévères, à tous les niveaux, contre la violence  verbale, psychologique, morale et matérielle, pour stopper l’hémorragie vécue par les victimes féminines dans une société au lourd passif machiste et pour qui seuls les mâles ont raison. « Curieux quand même qu’une femme ministre cautionne un tel état de fait qui laisse traîner les choses alors qu’entre temps des millions de femmes souffrent au quotidien », concluent plusieurs activistes de la société civile.


  

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