Un poème de René Char sur la poésie, le don, cet inconnu qui nous sert de lanterne et nous exhorte de ne jamais rester sur place.
Tu es pressé d’écrire
Comme si tu étais en retard sur la
vie.
S’il en est ainsi fais cortège à tes
sources.
Hâte-toi
Hâte-toi de transmettre
Ta part de merveilleux de rébellion de
bienfaisance.
Effectivement tu es en retard sur la
vie
La vie inexprimable
La seule en fin de compte à laquelle tu
acceptes de t’unir.
Celle qui t’est refusée chaque jour par
les êtres et par les choses
Dont tu obtiens péniblement de-ci de-là
quelques fragments décharnés
Au bout de combats sans merci.
Hors d’elle tout n’est qu’agonie
soumise fin grossière.
Si tu rencontres la mort durant ton
labeur
Reçois-la comme la nuque en sueur
trouve bon le mouchoir aride
En t’inclinant.
Si tu veux rire
Offre ta soumission
Jamais tes armes.
Tu as été créé pour des moments peu
communs.
Modifie-toi, disparais sans regret
Au gré de la rigueur suave.
Quartier suivant quartier la
liquidation du monde se poursuit
Sans interruption
Sans égarement.
Essaime la poussière
Nul ne décèlera votre union.
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