samedi 23 février 2013

Commune présence
 de René Char


Un poème de René Char sur la poésie, le don, cet inconnu qui nous sert de lanterne et nous exhorte de ne jamais rester sur place. 




Tu es pressé d’écrire

Comme si tu étais en retard sur la vie.

S’il en est ainsi fais cortège à tes sources.

Hâte-toi

Hâte-toi de transmettre

Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance.

Effectivement tu es en retard sur la vie

La vie inexprimable

La seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t’unir.

Celle qui t’est refusée chaque jour par les êtres et par les choses
Dont tu obtiens péniblement de-ci de-là quelques fragments décharnés

Au bout de combats sans merci.

Hors d’elle tout n’est qu’agonie soumise fin grossière.

Si tu rencontres la mort durant ton labeur

Reçois-la comme la nuque en sueur trouve bon le mouchoir aride

En t’inclinant.

Si tu veux rire

Offre ta soumission

Jamais tes armes.

Tu as été créé pour des moments peu communs.

Modifie-toi, disparais sans regret

Au gré de la rigueur suave.

Quartier suivant quartier la liquidation du monde se poursuit

Sans interruption

Sans égarement.


Essaime la poussière

Nul ne décèlera votre union.


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