vendredi 1 février 2013

Cogan killing them softly: Aux confins du cinéma noir


Andrew Dominc, à qui l’on doit le beau The Assassination Of Jesse James, signe un thriller haletant, très personnel, avec un excellent Brad Pitt.




Comme chez les Coen, le film démarre avec deux loosers. Ils sont  beaux dans leur décadence. La vie leur a échappé depuis des lustres. Mais ils s’accrochent à un point hypothétique où tout peut reprendre de  plus belle. Et cela finit toujours par arriver. Pour Kogan, les affaires reprennent quand une partie de poker illégale tourne au vinaigre. Les sbires de la pègre sont dans de ales draps.

 Il faut bien trouver les braqueurs et leur donner une leçon. Cogan est appelé pour achever le travail et remettre les pendules à leur place. Tout un monde hermétique, dissimulé, insoupçonné affleure de l’ombre. Combinards, bookmakers, tueurs à gages, assassins fatigués, escrocs à la petite semaine. Bref, des caractères  en déliquescence qui suintent la rue, les bas fonds, le caniveau.

Bas-fonds

C’est bon d’entrer dans une salle obscure, paré contre les balles qui vont fuser dans un film destiné à t’en mettre  plein la vue. On se dit que ça doit siffler de toutes parts, comme chez Scorsese, Coppola ou De Palma. Il y a de cela, certes. Mais  comme dans The Thin Red Line de Terrence Mallick, il faut attendre longtemps avant que les canons ne déversent leurs cargaisons de morts. 

Andrew Dominic aime les lenteurs. Mais on ne peut se permettre de s’étaler avec à propos dans le cinéma que lorsqu’on s’appuie sur un scénario solide. Ici et le script et le traitement doivent beaucoup au livre dont est tiré ce Cogan. Il s’agit du roman Paris Risqués de George V. Higgins. 

Une belle pièce sur la pègre, avec des discussions longues et inactuelles. Crise personnelle, doutes, mauvaise conscience, Andrew Dominic ne met pas en scène un héros à l’américaine, qui ne sourcille jamais quand il crible de projectiles ses cibles. Bien que parfois dur à assumer, on se prend à penser que Brad Pitt n’est pas l’homme de la situation pour régler les affaires courantes. 

C’est pour cette même raison, qui est une belle trouvaille du réalisateur, que M Pitt livre ici l’une de ses plus belles interprétations. Acteur complet qui allie jeu intérieur et grand éclat,  hésitations et morceaux de bravoure instinctive. C’est l’exemple même du tueur qui va au devant de la gueuse  sans gilet par balles, certes, mais l’esprit brouillé, le cœur malade et des trémolos dans la voix. 

Andrew Dominic n’en fait pas, non plus, un débile. C’est cet équilibre humain qui fait de ce looser sur le retour un type qui peut, glaner, sur le parquet de cadavres qui jalonnent ses jours, quelques rares instants de rédemption.  

Maffia blues

Cogan, le nom sonne Irish. C’est voulu. Quand on parle de maffia, elle ne peut être qu’italienne ou irlandaise. Elle est saupoudrée de quelques éléments juifs et d’autres parvenus latinos. 

Dans ce Killing Them Softly la douceur découle de la mise en scène. Le réalisateur, qui a déjà signé ce beau bijou ciselé sur l’un des épisode les plus marquants de l’histoire américaine, avec le personnage, haut en couleurs, de Jesse James( lui aussi capé par un  indiscutable Pitt) et du lâche, Robert Ford, sait faire parler ses acteurs. 

Si on n’est pas tout à fait dans Reservoir Dogs de Quentin Tarantino, pas plus que l’on flirte avec le Pulpe Fiction du même cinéaste déjanté, on est sensible à cette tendance, très Spike Leeéenne d’échafauder d’amples échanges verbaux entre personnages. Tout y passe : passé, avenir, rêves brisés, désolation, projets, femmes et enfants, politique, sexe, amours avortés.  

Et c’est un pur moment de plaisir de se laisser happer par le naturel des conversations avant d’aller tutoyer la gueuse. Andrew Dominic réussit aussi ce tour de force de faire jouer des figures rompus aux films maffieux comme Gandolfini( The Sopranos) ou Ray Liotta (Goodfellas), et leur faire abandonner de vieux réflexes qui pourraient faire déjà vu. Bref, Cogan est un sacré bon film à déguster sans modération.


Thriller. D’Andrew Dominc. Avec Brad Pitt, Richard Jenkins, Ray Liotta, Sam Shpeard et James Gandolfini.
Actuellement en salles au Maroc

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