Andrew Dominc, à qui l’on doit le beau The Assassination Of Jesse
James, signe un thriller haletant, très personnel, avec un excellent Brad Pitt.
Comme chez les Coen, le film démarre avec deux loosers. Ils
sont beaux dans leur décadence. La
vie leur a échappé depuis des lustres. Mais ils s’accrochent à un point
hypothétique où tout peut reprendre de
plus belle. Et cela finit toujours par arriver. Pour Kogan, les affaires
reprennent quand une partie de poker illégale tourne au vinaigre. Les sbires de
la pègre sont dans de ales draps.
Il faut bien trouver les braqueurs et leur
donner une leçon. Cogan est appelé pour achever le travail et remettre les
pendules à leur place. Tout un monde hermétique, dissimulé, insoupçonné
affleure de l’ombre. Combinards, bookmakers, tueurs à gages, assassins
fatigués, escrocs à la petite semaine. Bref, des caractères en déliquescence qui suintent la rue,
les bas fonds, le caniveau.
Bas-fonds
C’est bon d’entrer dans une salle obscure, paré contre les balles
qui vont fuser dans un film destiné à t’en mettre plein la vue. On se dit que ça doit siffler de toutes parts,
comme chez Scorsese, Coppola ou De Palma. Il y a de cela, certes. Mais comme dans The Thin Red Line de
Terrence Mallick, il faut attendre longtemps avant que les canons ne déversent
leurs cargaisons de morts.
Andrew Dominic aime les lenteurs. Mais on ne peut se
permettre de s’étaler avec à propos dans le cinéma que lorsqu’on s’appuie sur
un scénario solide. Ici et le script et le traitement doivent beaucoup au livre
dont est tiré ce Cogan. Il s’agit du roman Paris Risqués de George V. Higgins.
Une belle pièce sur la
pègre, avec des discussions longues et inactuelles. Crise personnelle, doutes,
mauvaise conscience, Andrew Dominic ne met pas en scène un héros à
l’américaine, qui ne sourcille jamais quand il crible de projectiles ses
cibles. Bien que parfois dur à assumer, on se prend à penser que Brad Pitt
n’est pas l’homme de la situation pour régler les affaires courantes.
C’est
pour cette même raison, qui est une belle trouvaille du réalisateur, que M Pitt
livre ici l’une de ses plus belles interprétations. Acteur complet qui allie jeu
intérieur et grand éclat,
hésitations et morceaux de bravoure instinctive. C’est l’exemple même du
tueur qui va au devant de la gueuse
sans gilet par balles, certes, mais l’esprit brouillé, le cœur malade et
des trémolos dans la voix.
Andrew Dominic n’en fait pas, non plus, un débile. C’est
cet équilibre humain qui fait de ce looser sur le retour un type qui peut, glaner,
sur le parquet de cadavres qui jalonnent ses jours, quelques rares instants de
rédemption.
Maffia blues
Cogan, le
nom sonne Irish. C’est voulu. Quand on parle de maffia, elle ne peut être
qu’italienne ou irlandaise. Elle est saupoudrée de quelques éléments juifs et
d’autres parvenus latinos.
Dans ce Killing Them Softly la douceur découle de la
mise en scène. Le réalisateur, qui a déjà signé ce beau bijou ciselé sur l’un
des épisode les plus marquants de l’histoire américaine, avec le personnage,
haut en couleurs, de Jesse James( lui aussi capé par un indiscutable Pitt) et du lâche, Robert
Ford, sait faire parler ses acteurs.
Si on n’est pas tout à fait dans Reservoir
Dogs de Quentin Tarantino, pas plus que l’on flirte avec le Pulpe Fiction du
même cinéaste déjanté, on est sensible à cette tendance, très Spike Leeéenne
d’échafauder d’amples échanges verbaux entre personnages. Tout y passe :
passé, avenir, rêves brisés, désolation, projets, femmes et enfants, politique,
sexe, amours avortés.
Et
c’est un pur moment de plaisir de se laisser happer par le naturel des
conversations avant d’aller tutoyer la gueuse. Andrew Dominic réussit aussi ce
tour de force de faire jouer des figures rompus aux films maffieux comme
Gandolfini( The Sopranos) ou Ray Liotta (Goodfellas), et leur faire abandonner
de vieux réflexes qui pourraient faire déjà vu. Bref, Cogan est un sacré bon
film à déguster sans modération.
Thriller. D’Andrew Dominc. Avec Brad Pitt, Richard Jenkins, Ray Liotta, Sam Shpeard et James Gandolfini.
Actuellement en salles au Maroc
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