50.000 doses d’héroïne quotidiennes au Maroc. 20.000
personnes sont toxicomanes. Les prix varient entre 50 dhs le très bas de gamme
jusqu’à 700 dhs pour une poudre de qualité meilleure. Tanger et Tétouan sont les villes les
plus touchées.
Le mythe de la poudre fine
blanche étalée sur une plaque de verre que l’on coupe à l’aide d’une carte de
crédit ou d’un billet de banque fait partie du décor du cinéma. Dans la vraie
vie, la vie marocaine s’entend, l’héroïne est noire. On l’appelle dans le
jargon des toxicomanes ‘Lka7la’. On peut se la procurer pratiquement dans
toutes les grandes villes du Maroc. À Casablanca, Rabat, Marrakech, Fès, Agadir
et Oujda. Mais ce sont Tanger et Tétouan qui sont les plus touchées par
l’invasion de la poudre noire. Ce produit en provenance d’Afghanistan traverse
des milliers de kilomètres avant d’arriver chez quelques dealers locaux. Les
circuits sont déjà identifiés par les autorités marocaines en collaboration
avec leurs homologues espagnoles qui affirment que la poudre arrive d’abord aux
Pays-Bas. C’est là qu’elle est transformée et coupée avec d’autres substances
chimiques. Elle est ensuite acheminée via des passeurs vers la France, l’Italie
et l’Espagne. Le reste est une simple formalité, puisque de Sebta, les gens du
Nord peuvent en acheter en toute liberté. Pour les associations actives à
Tanger et à Sebta, comme l’association Hasnouna de soutien aux usagers des
drogues (voir encadré), dirigée par Bendriss Moncef, « la poudre noir
arrive d’Espagne. C’est la proximité qui fait que des villes comme Tanger,
Tétouan ou encore M’diq sont très touchées.» Le profil des toxicomanes est le
même partout. «Ce sont une majorité de jeunes, des filles et des garçons. Qui
finissent dans les squats, vivant dans les rues.»
Modus operandi
Pour la plupart des addicts, ils
se contentent de la pire forme de cette drogue dure, à savoir ders résidus,
dont la dose est vendu à 25 dhs. Le modus operandi est le même. Rare sont ceux
qui se piquent à cette substance. Ils la roule en papier et la fument. Les
effets sont immédiats. L'usager sent une vague de bien-être l’envahir au
début. Celle-ci est suivie d'une sensation de faim intense. Aucune sensation de
douleur. Les pulsions sexuelles sont absentes, et l’humeur devient changeante. La
prise peut entraîner une certaine agitation, des nausées et des vomissements. Les
médecins précisent que la tolérance à l’héroïne s’acquiert très vite et
entraîne une très forte dépendance psychologique et physique. Ce qui fait dire à Bendriss Moncef de l’association Hasnouna, que
« ce sont plus de 1700 toxicomanes qui ont été pris en main par
l’association depuis sa création en 2006. Mais il faut savoir que ce n’est là
que 20 pour cent des cas de toxicomanie à Tanger. C’est dire que les ravages
sont énormes.»
Prise en charge
Les toxicomanes
s’approvisionnent chez des dealers de la place qui écoulent leurs marchandises
selon des codes bien définis. Les toxicomanes racontent qu’ils ne vont jamais
directement chez les vendeurs, mais à chaque fois font appel à un nouveau revendeur
qui change de quartier après avoir fourgué sa cargaison. C’est un système bien
rôdé pour ne pas se faire repérer et éviter l’arrestation. Pourtant les forces
de police ont neutralisés plusieurs dealers avec des quantités plus ou moins
grandes. Certains consommateurs vont jusqu’à s’injecter les résidus durs dans
les veines. Ils se présentent en état de choix, avec des cailloux de sang dans
les bras, frôlant le décès. C’est là que les associations et autres centres
d’addictologie entrent en action pour aider les toxicomanes à s’en sortir.
«Dans certains cas, on arrive à sauver des vies. Dans d’autres, les problèmes
de rechutes sont telles que les jeunes perdent tout espoir de guérir.», précise
Bendriss Moncef.
Pour le professeur Jallal Toufiq, directeur du centre
national de prévention, de traitement et de recherche en addictions et directeur
de l'hôpital Arrazi de Salé et directeur
de l’observatoire national des drogues et addictions, « la toxicomanie
touche 0,03 pour cent de la
population marocaine de plus de 17
ans. Aucun profil n’est privilégié. Cela touche n’importe quelle classe sociale» En effet, selon les travaux
des centres d’addictologie au Maroc, il ressort que les plus touchés ont entre
23 et 35 pour la majorité. Si un grand nombre d’entre eux fume l’héroïne et la
sniffe, il ya aujourd’hui de plus en plus de personnes qui se l’injectent.
« La majorité des jeunes ne respectent aucune protection. Ils sont souvent
sujets à des infections à l’hépatite C. d’ailleurs, 15 à 30 au moins d’entre
eux sont porteurs du VIH et de l’Hépatite C », explique le prof Jallal
Toufiq.
Malades comme
les autres
Aujourd’hui face à la recrudescence de ce fléau, les
autorités marocaines, après plusieurs plaidoyers ont une volonté politique pour
aider les toxicomanes. Des centres voient le jour un peu partout dans le pays. Il y en a qui font de très
bon travail à Salé, Casablanca, Rabat et surtout Tanger. Mais d’autres vont
ouvrir à Tétouan, Nador, Oujda et Fès pour accompagner les toxicomanes. C’est qu’il faut aujourd’hui prendre
conscience que la toxicomanie est un réel problème de santé publique. « L’addiction
est une maladie chronique. Les malades ne sont pas des déviants, ce sont des
gens qui souffrent de leur maladie et qui ont besoin que le pays leur offre des
traitements thérapeutiques. Il ne faut pas attendre qu’ils viennent vers nous.
Il faut aller les chercher, les aider là où ils sont grâce à des programmes
spécifiques», précise Pr Toufiq. D’ailleurs, le Maroc est doté aujourd’hui de
cursus pour donner des diplômes universitaires d’addictologie. 30 addictologues sont formés tous les 18
mois à Rabat et Casablanca. Un
travail colossal est abattu chaque jour pour sauver des vies. Mais le Pr Toufiq
tire une autre sonnette d’alarme : «Ce qui va poser problème au Maroc
bientôt, c’est la cocaïne.» Celle-ci prend de plus en plus de place sur les
marchés des drogues au Maroc.
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