vendredi 10 mai 2013

Fouad Laroui, prix Goncourt 2013 de la nouvelle Eloge de la dérision


Le prix Goncourt de la nouvelle a été attribué le 7 mai 2013, à l'écrivain et marocain d'expression française Fouad Laroui pour "L'étrange affaire du pantalon de Dassoukine" publié aux éditions Julliard.   




Déjà à la lecture de « Les dents du topographe », on a senti cette expansion à la dérision qui sera l’une des constantes du travail de Fouad Laroui.  On a touché les mêmes pointes acerbes et cruelles de drôlerie dans « Méfiez-vous des parachutistes » ou encore dans « Tu n’as rien compris à Hassan II ». Fouad Laroui, auréolé, depuis le 7 mai 2013 du Prix Goncourt de la nouvelle, donne dans la métaphore sociale pour rendre compte d’une actualité brûlante. A la fois drolatiques et coriaces, ces personnages ont le don de vivre et de s’épanouir au fil des pages. Ils sont aussi pleins de surprises. Ce qui octroie aux textes de Fouad Laroui une espèce de fraicheur, qui n’est pas  à confondre avec la légèreté plate.  Ecriture légère dans ce sens qu’elle ne ploie pas sous le poids  superfétatoire d’ajouts inutiles qui donne dans la fioriture au lieu d’émonder, d’élaguer le propos pour en rendre à la fois l’essence et ici, le suc. Car pour cette  histoire du pantalon de Dassoukine, on ne peut certes s’empêcher de voir la référence à une figure comique de la scène télévisuelle marocaine. Mais il n’y a pas que cette utilisation première du personnage qui compte. Au-delà, Fouad Laroui, tente de créer un univers particulier autour d’un homme qui porte en lui l’ironie. Du coup, avec ou sans pantalon, il ira au bout de sa mission. Ce qui est donnée à lire comme une parabole de l’époque actuelle, avec ses contradictions, ses codes futiles, son diktat d’une certaine manière d’être et de penser, est balayé par l’insouciance d’un homme, qui est habité par l’accomplissement.

Douce folie
L’étrange affaire du pantalon de Dassoukine raconte le périple haut en couleurs d’un jeune fonctionnaire marocain qui est venu à Bruxelles pour acheter du blé européen. Il veut se le procurer au meilleur prix et ainsi faire des économies pour son pays qui en manque cruellement.  Mais les choses ne se passent pas comme prévu. Dassoukine se fait blouser. On lui pique son pantalon. Dilemme. Que faire. Dassoukine ne se démonte pas. Il fait fi de ce que diront les gens, endosse des hardes et va   faire son travail. La meilleure façon d’attraper les choses pour Dassoukine est de tourner le dos à tout ce qui n’est pas lui. Autrement dit, dans un monde fou, seul un fou tient la route. Dassoukine a cette folie douce, humaine, trop humaine, sans concessions et sans compromis avec l’air ambiant.
Violence moderne
Toute la société moderne est ici passée au crible. Rien n’échappe à l’oeil aiguisé d’un autre qui sait créer du rire là où le tragique bas son plein. Pour cet originaire d’El Jadida, né à Oujda et qui vit à Amsterdam, après avoir écumé des jours plus ou moins heureux à Cambridge, ce mélange des cultures est une manne inépuisable. Le clash entre deux mondes, le bras de fer entre plusieurs cultures offre des situations tragi-comiques de haut vol. Rien d’étonnant pour ce Ponts et Chaussées en France, qui a fait un passage par les phosphates à Khouribga avant de devenir l’écrivain que l’on connaît. A 55 ans, en voilà une belle consécration pour un écrivain qui prend son travail au sérieux, sans se prendre au sérieux.  Ce serait dommage pour un homme qui base tout son propos sur l’humour, même grinçant et noir. Il le dit lui-même, son écriture est engagée. «J'écris pour dénoncer des situations qui me choquent. Pour dénicher la bêtise sous toutes ses formes. La méchanceté, la cruauté, le fanatisme, la sottise me révulsent ». Dans ce sen, quelle empreinte laissera l'expérience occidentale dans l'oeuvre de  Fouad Laroui ? A coup sûr plus de richesse, une bonne dose de recul pour décrire la rencontre de plusieurs mondes entre violence et dérision. 

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