vendredi 4 avril 2014

La Fin de l'homme rouge de Svetlana Alexievitch Le temps du désenchantement

L’écrivaine ukrainienne, Svetlana Alexievitch, revient sur cette grande tragédie humaine qu’a été l’URSS. Avec un livre documenté, elle remet l’horreur au gout du jour dans un style épuré et une acuité de visionnaire.





«Le communisme avait un projet insensé : transformer l’homme «ancien», le vieil Adam. Et cela a marché… En soixante dix ans et quelques, on a créé dans le laboratoire du marxisme-léninisme un type d’homme particulier, l’Homo sovieticus. ». On ne peut plus clair. Ni direct. C’est là ce qu’on appelle un règlement de compte avec un pan de l’histoire récente de l’humanité, sans détours ni compromis. Svetlana Alexievitch n’y va pas par quatre chemins pour asséner des coups à l’histoire. Déjà en 1985, Svetlana Alexievitch avait publié un livre sur cette contrée fermée et livrée à une vision archaïque de la politique et de la condition humaine. Elle avait déjà vu la fin d’une époque en parlant de cet homme rouge, qui devait très vite s’étioler, s’éteindre et finir par devenir une relique de l’histoire. Pourtant, malgré un régime meurtrier, aucun procès de Nuremberg n’est venu sanctionner plus de 70 ans de tueries, de disparitions et d’injustices.
Aujourd’hui, l’auteur de La Supplication nous offre une autre façon de raconter l’histoire. Elle arrive à donner corps à une nouvelle formule de littéraire polyphonique. Elle arrive à faire résonner les voix de centaines de témoins dont la voix s’est perdue dans la steppe des douleurs. On retrouve de tout dans ces témoignages : des gens ordinaires, des personnes qui ont payé un lourd tribut à la cruauté du régime, des mères déportées avec leurs enfants, des staliniens, des hommes qui ont vécu le Goulag….  L’autuer explique sans procédé de manière simple :  «Je pose des questions non sur le socialisme, mais sur l’amour, la jalousie, l’enfance, la vieillesse. Sur la musique, les danses, les coupes de cheveux. Sur les milliers de détails d’une vie qui a disparu. C’est la seule façon d’insérer la catastrophe dans un cadre familier et d’essayer de raconter quelque chose. De deviner quelque chose... L’histoire ne s’intéresse qu’aux faits, les émotions, elles, restent toujours en marge. Ce n’est pas l’usage de les laisser entrer dans l’histoire. Moi, je regarde le monde avec les yeux d’une littéraire et non d’une historienne.»
En posant ce livre, on se posera sans fin cette question : pourquoi un tel régime a-t-il pu exister ? On ne donnera jamais une réponse satisfaisante à l’horreur quoi que l’on fasse.


Editions Actes Sud.  





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