Selon plusieurs observateurs marocains, le
pourcentage de cigognes blanches qui venaient nicher au Maroc a baissé de 63
pour cent en quelques décennies. Un indicateur majeur des changements
climatiques qui ont touché le territoire marocain.
L’image d’Épinal des deux
cigognes qui portent un bébé dans ses langes n’est pas prête de quitter
l’imaginaire des enfants marocains. Il y aura toujours des cigognes nichées sur
les hauteurs, au pic des minarets, sur les poteaux électrique, les pylônes haute
tension et d’autres endroits en hauteur, égayant l’atmosphère de leurs coups de
bec aux sonorités bien spécifiques. On verra toujours des cigognes, mais de
moins en moins. Car les chiffres avancés par l’association marocaine de défense
des cigognes Aprocib, présidée par Abderrahmane Chemlali, sont alarmants. Plus
de 63 pour cent de ces échassiers ne viennent plus sur le sol marocain. Une
baisse notée entre 1973 et 2005 et dont les tendances se confirment davantage
ces dix dernières années. En cause selon l’association, les changements
climatiques, mais aussi le braconnage. Les spécialistes avancent aussi la thèse
des dépotoirs à ciel ouvert où pullulent les sacs en plastique qui, une fois
ingérés par les cigognes, les étouffent et elles en meurent. A la lumière de
ces nouvelles donnes, les cigognes qui venaient d’Espagne pour nicher en
Mauritanie ou au Sénégal avec de longues escales au Maroc, deviennent de plus
en plus rares.
Décharges publiques
Les réalités du terrain sont
simples : le Maroc est un pays sec. La nappe phréatique, comme on le sait,
s’appauvrit d’année en année. La désertification gagne du terrain et une large
partie du territoire marocain est désertique. Les cigognes se rabattent sur les
décharges publiques et mangent ce qu’elles trouvent. Impossible pour elles,
comme l’avancent les responsables de l’association de défense des cigognes, de
pourvoir aux besoin de leurs petits qui s’élèvent à plus de 140 kilos de
viande. Ceci pour les 70 premiers jours après la naissance des cigogneaux. Inutile
de préciser que c’est là une quantité impossible à amasser et que les charognes
ne courent pas les poubelles. Restent donc les détritus, les nourritures
décomposées des décharges. Et là les risques sont importants pour les
échassiers. Il faut aussi parler de cette légende urbaine qui voudrait que la
viande des cigognes soit un bon remède contre le diabète. Plusieurs braconniers
se sont spécialisés dans ce créneau en piégeant des cigognes et vendant leur
chair à des prix assez important. Certains avancent le chiffre de 200 dhs le
kilo. Il faut dire que la légende court et que les malades sont prêts à
débourser pourvu que cela marche.
Mythes et légendes
Pourtant au Maroc, la cigogne
est un oiseau très aimé. Il est aussi protégé et presque sacré. Comme dans de
nombreux pays africains, la cigogne est un oiseau porte-bonheur. La légende
populaire nous apprend que la cigogne serait un imam. C’est aussi un saint
homme qui serait habillé de deux burnous, en noir et blanc et qu’il veille sur
les gens et les protège. Le mythe nous dit que ce saint homme a un jour manqué
d’eau pour ses ablutions. Il a alors recours au petit lait pour se laver et
faire sa prière. Mais le petit lait est béni dans cette région du Sahara marocain. Il est aussi rare et
c’est un péché de le consommer de cette manière. Le saint homme est alors
métamorphosé en oiseau. Et il est expédié au Maroc pour trouver la rédemption.
Certains voient dans le fait que les cigognes nichent sur les minarets des
mosquées un signe de piété et de sacralité. Mais aussi bien les mythes et les légendes ne peuvent
rien face aux changements climatiques. Les cigognes sont touchées de plein
fouet par la montée des chaleurs, la sécheresse et le manque d’eau. Et quand
l’homme s’en mêle, c’est généralement mauvais signe.
Quelques chiffres
24 000 couples étaient recensés avant la seconde guerre
mondiale, leur nombre est passé à 12 000 en 1940, puis à 13 500 en 1973, pour
s’effondrer à 5 000 couples en 1995. Le recensement de 2015 risque d’être plus
alarmant.
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