Ils sont
plus de 1200 combattants marocains en Syrie. Des chiffres avancés par le
Washington Institute for Near East Policy qui affirme que ce nombre augmente chaque mois. Comment les Marocains
arrivent-ils en Syrie ? Qui les recrute et pourquoi font-ils cette
guerre ?
Le
26 février 2014, Ilyas El Mejjati le fils d’Abdelkrim El Mejjati, l’ancienne
figure du jihadisme et du salafisme, tuée en Arabie Saoudite, il y a plus de
huit ans, a réussi à rejoindre d’autres Marocains sur les fronts de combat en
Syrie. Agé aujourd’hui de 21 ans, Ilyas El Mejjati dont le frère a été tué e
avec son père, a toujours voulu
marcher sur les pas de son paternel avec la bénédiction de sa mère, Fatiha El
Mejjati. Mais Ilyas n’est pas le
seul à avoir pris le chemin des fronts syriens. Ils sont nombreux les
Marocains, d’Oujda, Tanger, Marrakech, Fès, mais aussi Casablanca, Rabat et
d’autres villes comme Sebta et Melilla. Rien que dans l’ancienne médina de
Casablanca, ils sont pas moins de 9 jeunes a avoir quitté le Maroc cette année.
On les retrouve en Syrie en compagnie d’autres Marocains venus d’Espagne ou de
Belgique, de France aussi où certaines sources avancent pas moins de 200 Marocains
d’origine qui sont déjà sur place à Homs, dans la banlieue de Damas et sur
d’autres fronts. En décembre 2013, plusieurs sources étrangères ont fait état
de plus de 412 morts en Syrie.
Le
nombre des combattants aurait dépassé les 1200, comme l’a affirmé un jeune
étudiant marocain de Tétouan qui a rejoint la Syrie en 2013. Ce jeune homme
affirme qu’au sein de son groupe, ils sont 40 Marocains et plus de 500
combattants grossissent les rangs de seule la milice de Sham Al Islam.
En
effet, depuis l’éclatement de la guerre, plusieurs noms ont circulé sur
Internet, des vidéos, des images en solitaire ou en groupe rendant compte du quotidien des Marocains qui
ont choisi d’aller «porter au nom d’Allah le jihad aux côtés des rebelles». Selon l’institut américain Near East
Policy, on retrouve parmi les plus hauts
gradés, des anciens combattants en Afghanistan et d’autres qui sont
passés par les camps de Guantanamo sur l’île de Cuba. Parmi les gradés, on peut
citer Brahim Benchakroun, un ancien détenu de Guantanamo, âgé aujourd’hui de 35
ans, dont le nom de « jihadiste » est Abou Ahmad Al Mouhajir, qui a
fondé un mouvement baptisé, Harakat Sham Al Islam. D’autres marocains font partie
d’autres groupes comme Kataeb Ahrar Al Sham, l'État islamique d'Irak et du
Levant (ESIL),
le Front Nousra ou encore l’armée libre syrienne.
Recrutement
organisé
Mais
comment arrivent-ils en Syrie ? D’abord ils sont ciblés. Généralement des
jeunes. Ils sont pauvres. On les observe pendant longtemps avant de les
approcher. Les recruteurs savent qu’il faut s’armer de patience. On procède par
paliers. D’abord une approche amicale, on sympathise, on fait la prière
ensemble. Puis, une fois un rapport de confiance établi, on passe à l’étape
suivante qui consiste à préparer psychologiquement la recrue à un éventuel
départ en Syrie. C’est là qu’on propose de l’argent pour aider la famille,
après de longues séances de lavage de cerveau, à force de littérature
jihadiste, des heures entières devant des vidéos d’autres marocains au combat,
voire même des morts, élevés e au rang de «martyrs». Une tâche aisée puisque de
nombreuses figures connues dans les nébuleuses jihadistes créent des pages sur
les réseaux sociaux et incitent d’autres « frères marocains » à les
rejoindre pour la guerre. On le sait aujourd’hui, grâce à de nombreux rapports
européens, la plupart de ces Marocains combattants étaient basés sur la côte et
à Lattaquié, deux régions qui ont été le théâtre de sévères combats. D’ailleurs,
dans cette vague d’embrigadement par l’image, quelques jours avant
l'annonce de la création de Sham al-Islam, des sites web et des forums
jihadistes ont annoncé la mort de Mohamed al-Almi al-Suleimani, alias Abi Hamza
al-Maghrebi. Une figure célèbre du jihadisme marocain, qui a été libéré de
prison en 2011. Al-Almi était un leader au sein du groupe des anciens détenus
islamistes avant de partir pour la Syrie. Il s’occupait d’une brigade de jihadistes marocains baptisée «les
broyeurs » quand il a été abattu le 10 août 2013. Dans le Nord, la police
marocaine a démantela de nombreuses cellules, spécialisées dans le recrutement
pour la Syrie. De son côté, la police espagnole, a fait état de plusieurs
arrestations entre 2012 et 2014 visant des groupes de l’ombre qui fournissait le
front syrien selon le même modus operandi.
Les leaders martyrs
Son exemple sert de référence pour de nombreux recruteurs sur
place. Mais il n’est pas le seul. Il faut aussi citer d’autres noms devenus des légendes sur le
Net. Mohamed al-Nebras, un natif de Tanger qui commandait
la brigade "Ebada Ibn al-Samet", et Al-Sedik al-Sabe, alias Abou Adam
al-Tazi, un ressortissant néerlandais né au Maroc. Tous morts. Tous des icônes.
Entre l’image de martyre et une
somme d’argent pour la famille, la jeune recrue, prend son billet d’avion pour
Istanbul et une fois sur place, il est pris en main par d’autres groupes
spécialisés sur place dans l’acheminement des groupes vers la frontière
syrienne. Selon le frère d’un combattant, il a fallu 40 jours à son frère avant
d’arriver à Lattaquié. Pour les sommes négociées, ils n’excèdent pas les 3000
euros dans les meilleurs des cas. C’est un dépôt de garantie chez la famille.
Un dédommagement avant l’heure en cas de mort et de non-retour.
Opérations
suicides
Selon
le quotidien espagnol El Pais, un Marocain de Sebta, Abdelouahed Sadik Mohamed,
a donné des détails de la vie des combattants marocains en Syrie. La filiale
d’Al Qaida en Syrie, nommée Daach (Etat islamique en Irak et au Sham) chargeait
les Marocains des missions les plus dangereuses. « Les Marocains sont en
première ligne sur le front de guerre. On leur réserve les missions suicides
alors que les Saoudiens, les Syriens ou les Jordaniens sont repliés en
arrière », affirme Abdelouahed Sadik Mohamed devant les juges espagnols
après son arrestation à Malaga, fuyant la Syrie, suite à sa désignation pour un
attentat kamikaze. Toujours selon la police espagnole, Abdelouahed Sadik
Mohamed fasait partie des premiers « jihadistes » marocains de Syrie.
Lui aussi avait quitté Sebta pour Casablanca où il a pris un vol à l’aéroport
Mohamed V, en direction d’Istanbul en Turquie, avant de franchir la frontière
avec la Syrie au Sud.
Pour
de nombreux analystes, les motivations sont simples. En dehors du
« jihad », il y a des rémunérations pécuniaires qui poussent de
nombreux Marocains à combattre en Syrie. Face à une vie sans reliefs, face à la
pauvreté et à la perdition sociale, pour de nombreux jeunes, la guerre en Syrie
s’apparente aussi à un métier, même à durée déterminée. Aujourd’hui, nous
sommes face à un autre phénomène celui des enfants soldats en Syrie. Le cas
d’Oussama dit Al Maghribi, âgé de 13 ans, qui a posté ses photos en Kalachnikov
sur le front syrien, fait des émules. D’autres, à peine un peu plus âgés,
totalisent déjà deux ans de front. C’est dire que le parcours des Marocains de
Syrie est loin d’être terminé.
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