L’auteur égyptien de « L’Immeuble Yakoubian », Alaa El Aswany, signe un roman acide sur une Egypte aux abois ? Fort, actuel et sans compromis.
« L’immeuble
Yakoubian » était un livre
prémonitoire. On y lisait déjà les déchirements profonds qui secouaient une
Egypte livrée à elle-même, dans une furie effroyable. On y rencontrait les
dérives d’une société sans repères, aux étages disparates et aux écarts de plus
en plus béants. Le film, interprété avec, entre autres vedettes le grand acteur
égyptien Adil Imam, avait secoué un monde arabe somnolent. Aujourd’hui, avec "Automobile
Club d'Égypte", qui vient de sortit début février 2014, chez Actes Sud,
Alaa El Aswany remet le couvert et traite d’une Égypte post-Moubarak en faisant
un immense retour en arrière pour situer son histoire dans les années 40. Nous
sommes face à une autre Egypte, presque oubliée aujourd’hui. Celle des
pachas et des monarques.
Une Egypte cosmopolite, celle dont savait si bien parler Lawrence Durrell dans
son chef d’œuvre « Quatuor
d’Alexandrie».
Réalisme prémonitoire
On y côtoie des
aristocrates, des diplomates, des espions. On peut même voir le roi assister à
une partie de Poker, honorer de sa présence des cercles très fermés. C’est là que l’on assiste à des scènes
décrites avec une telle maîtrise et un humour glacial autour du personnage
nommé El-Kwo, qui est le chambellan du roi. Ce chef suprême des employés de
tous les palais royaux, est ici le centre d’une grande entreprise humaine
d’asservissement et d’esclavage. Il
est le maître absolu des vies misérables de tous ceux qui travaillent
sous ses ordres et prend un plaisir incroyable à les voir soumis et sans la
moindre volonté de se rebiffer.
Mais dans cette armada de
soumis, il y a Abdelaziz Hamam. Un homme qui descend d’une grande famille qui a tout perdu. Il est de retour au
Caire pour donner une meilleure éducation à ses enfants. Et c’est justement à
travers sa progéniture, que l’on va suivre les méandres d’une nouvelle Egypte
qui se construit. Nous sommes avant Nasser, mais l’Egypte est déjà un champ de
ruine, semblable à celui que l’on vit aujourd’hui après Hosni Moubarak,
l’arrivée des islamistes, le départ forcé de Morsi et la prise de pouvoir par
Al Sissi. Et dans cet Automobile Club, on entrevoir déjà les temps futurs et
l’explosion révolutionnaire qui va embraser le pays.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire