Asmae Bennani expose ses travaux à la galerie
Matisse de Marrakech du 18 avril au 10 mai 2014. Une occasion de s’arrêter sur
le talent certain d’une figure montante des arts plastiques au Maroc.
Il n’est pas aisé
de se coltiner l’abstraction et réussir à donner du sens au rendu. Que l’on ne se méprenne pas, le piège
de la facilité apparente de la peinture dite abstraite peut très vite faire
tourner court le plus audacieux des projets picturaux. On pense qu’il est
facile de tout faire entrer dans les couleurs et les formes, qu’il est même
très simple de leur faire porter des signifiances, mais il n’en est rien si le
plasticien n’a pas le feu sacré. A voir de plus près le travail proposé ici par
Asmae Bennani, on se rend compte qu’il ya du coffre derrière une telle approche
picturale. On sent le métier, l’inclinaison artistique, une forme de don qui se
peaufine, qui se travaille, qui se demande où peuvent le mener les différentes
rencontres avec l’essence de la toile. C’est cela le travail que fait un
artiste à longueur de temps : il se cherche, tout le temps, une vie
durant, sans espoir d’achever ses visions ni leur donner des contours finis. En cela, on peut croire que ce qui est
aujourd’hui donné à voir par Asmae Bennani porte en lui, l’empreinte d de la
conception, de la réflexion, mais au-delà, il y a dans ce choix de coloris,
dans ces formes qui épousent de nombreuses sinuosités, une belle promesse
d’œuvres en puissance.
Première sortie
Pour une toute
première exposition, on imagine ce que Asmae Bennani doit vivre à la fois comme
appréhension, comme attentes, comme trac. Ce n’est jamais évident de donner à
juger ce qui a longtemps vécu en nous. Mais il est évident que la
plasticienne sait ce que son œil
intérieur a reproduit, dans des ramifications éparses sur la cadran de la
toile. Elle sait que la matière qui vit sur les bords de ces travaux est une extension de ce qu’elle est. Ce
n’est là que le début d’un long procès qui demande une haleine de marathonien,
des doutes, des esquisses, des hésitations, des arrêts, pour repartir à chaque
fois, plus fort et plus sûr de ce qui sera fixé en couleurs et en formes sur un
support. Il faut aussi parler ici
des choix chromatiques d’Asmae Bennani. Noir, Bleu, blanc, rouge, vert, jaune,
quelques nuances du blancs, du rouge et du bleu, avec une telle parcimonie,
avec juste ce qu’il faut pour ne jamais faire déborder les tons et les
tonalités.
Profondeur sensorielle
On le sait, le sens
de la couleur s’acquiert avec les années qui défilent, les essais et les
ratages, ici, entre graphisme et linéarité exemplaire, Asmae Bennani fait
montre d’une belle maîtrise de son sujet et de ses outils. Quant aux formes, la
peintre, les laisse prendre place dans un ensemble, à première vue, légèrement
anachronique, asymétrique, mais dont les finalités résident justement dans un
assemblage qui nait de la juxtaposition, du voisinage, entre ombres et lumières
entre teintes et formes suggérées. Il y aussi le fond des toiles, les
différentes strates que l’on touche du regard, qui en disent long sur les
différentes couches de travail, d’aller-retour pour créer une surface riche,
profonde, dans la texture épouse
avec brio la colleur qui vient la ressortir en l’habillant. Sur d’autres
travaux, il y a cette force du jaune qui vient croiser le bleu. Deux énormes
masses, qui de leur interpénétration, deviennent si légères pour faire de cette
approche une belle expérience de légèreté dans une profondeur sensorielle très
appréciée. Il y a ici un goût du risque, comme de laisser une teinte empiéter
sur le terrain de l’autre, sans vouloir en faire un graphisme parfait. Cela ne
s’apprend pas aux écoles, on l’a ou on ne l’a pas, ce besoin de se mettre à
l’épreuve. Asmae Bennani, dans une première rencontre avec le public, donne à
voir une œuvre multiple, un regard aigu, sur son travail, une vision d’artiste
qui a trouvé sa voie.
Du 18 avril jusqu’au 10 mai 2014 à la galerie Matisse de Marrakech
j'étais au vernissage , un moment de bonheur
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