C’est la huitième édition du festival de la culture soufie
de Fès. Un rendez-vous qui rend cette année hommage à Ibn Arabi. Faouzi Skalli,
le directeur du festival nous éclaire sur les thématiques retenues et la
particularité de cette édition.
Abdelhak Najib: Quelle est la particularité de cette huitième
édition du festival de la culture soufie de Fès ?
Faouzi Skalli : Chaque
édition est une nouvelle exploration de la culture Soufie considérée comme un
patrimoine spirituel, intellectuel, artistique et social. Cette exploration est
très souvent liée à une thématique et / ou à une personnalité. Par le passé
nous avons par exemple évoqué des personnalités telles qu'Ibn Atâ Allah, Ibn
Khaldûn ou , pour évoquer un personnage contemporain, Mohammed Iqbâl. L'édition de cette année est dédiée à
une personnalité Soufie et un auteur qui occupe une place centrale dans toute
l'histoire du Soufisme et dont l'œuvre constitue sans doute l'élaboration
la plus aboutie de sa doctrine, Ibn Arabî.
Pourquoi avoir choisi de marche sur les pas d’Ibn arabi
cette anéne ?
Faouzi Skalli : Outre
la production d'une œuvre, d'une richesse et d'une profondeur sans équivalent,
Ibn Arabî, a beaucoup voyagé de l'Andalousie d'où il est natif au Maghreb, et
notamment à Fès où il a accompli plusieurs séjours, en Arabie, en Égypte, en
Irak, en Syrie en Anatolie...Se mettre sur les pas d'Ibn Arabî c'est suivre un
parcours émaillé d'enseignements, de rencontres, d'expériences spirituelles.
C'est à la fois un parcours géographique qui nous renseigne sur la vie
intellectuelle et spirituelle de l'époque et nous introduit incidemment dans
différents milieux culturels, sociaux, politiques, mais c'est aussi en
soi la découverte d'un voyage initiatique qui nous fait découvrir l'une
des épopées les plus riches et les plus profondes de tous les temps. L'œuvre
d'Ibn Arabî a eu une postérité immense jusqu'à nos jours. De nombreux travaux
dans toutes les langues lui sont toujours consacrés. Cette édition sera
l'occasion de rendre hommage à Souad al Hakim, ancienne rectrice de
l'Université de Beirouth dont les travaux sur le lexique d'Ibn Arabî constituent
une référence en la matière.
Parlez-nous de la relation entre Ibn Arabî et Fès ?
Son séjour à Fès à plusieurs reprises
et dont le souvenir est attaché à la Mosquée, aujourd’hui en réfection, d’al
Azhar, au centre de la vieille Médina, nous montre tout l’intérêt que nous
avons aujourd’hui à nous mettre sur les pas de ce guide spirituel pour
comprendre le legs de l’une des pensées les plus fécondes et les plus
essentielles de l’enseignement du soufisme et de la sagesse universelle.
Quelle place occupe le patrimoine soufie au Maroc ?
Faouzi Skalli : Le
patrimoine culturel soufi est d'une très grande richesse, en particulier au
Maroc dont l'histoire religieuse est inséparable de cette tradition et de cette
culture spirituelle. Mais une question se pose à chaque nouvelle époque,
comment intégrer ce patrimoine de valeurs, de sagesse et de spiritualité, mais
aussi d'art, de poésie et de littérature de manière à ce qu'il puisse continuer
à irriguer et féconder notre société et notre culture. Cette interrogation est
l'objet même de ce Festival. Parallèlement à ce patrimoine immatériel il y a
aussi un certain nombre de zawiyyas, de sanctuaires, qui font parti de
notre patrimoine historique et qu'il nous faut réhabiliter. L'un de ces lieux est
le Masjid al Azhar, à Fès, dans le quartier de Ayn al Khayl, et qui est
profondément lié à la mémoire d'Ibn Arabî. Ce lieu qui a fait l'objet d'une
restauration par le Ministère des Affaires Islamiques doit aussi être
dédié à un centre consacré à Ibn Arabî.
Comment peut-on aujourd’hui définir le soufisme ?
Le Soufisme est une voie
d’enseignement et de « cheminement » spirituels qui s’inscrit au cœur de la
tradition de l’Islam. Cette voie est aussi une expression de sa culture et,
l’on pourrait dire, l’esprit même de sa Civilisation. En ce sens, le Soufisme
qui est d’abord une expérience spirituelle, un « Dhawq » ou une saveur
personnelle, a été ensuite tout le long de l’histoire, la source continue d’une
créativité, intellectuelle, poétique, littéraire, artistique (en particulier
musicale) et, d’une façon encore plus globale, bien qu’insuffisamment explorée,
la source d’une productivité sociétale particulièrement riche et remarquable. C’est
ce lien entre expérience spirituelle et la diversité des colorations de ses
expressions culturelles et sociales, que le Festival de Fès de la Culture
Soufie cherche à mettre en lumière et à décliner à travers la programmation de
chacune de ses éditions.
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