Par Abdelhak Najib
Nous sommes dans le pays profond
libanais. Très vite l’auteur plante son décor et fait de ce coin de terre un
terrain de jeu fertile pour tant de personnages en devenir. C’est donc sur une
colline de la petite ville d’al-Yousr que tout prend corps. C’est là, que s’élève
une khanqâh, une zaouïa locale,
avec tout ce que cela implique comme rites et héritages. C’est là, sur cette
butte que prospère une confrérie ésotérique avec un grand maître qui préside
aux destinées du groupe. Ses disciples sont
tous animés par la même conviction: ils sont les gardiens d’un coffre contenant
la Table du destin. Rien que cela. Immense conviction qui a un terrible poids sur tout le monde. Les disciples et adeptes de la zaouia sont
sûrs que tous ceux qui s’en approcheraient seraient consumés par le feu. D’ailleurs
comme pour tous les objets de sacralité, il y a une malediction à la clef.
On le devine bien, ce qui
devait arriver arriva. Le coffre disparaît. Et c’est aux mains d’un jeune homme,
nommé Khaldoun qu’on le retrouve. Celui-ci travaille chez un libraire versé
dans la science des lettres. Affolés par la perte du coffre, les membres de la
confrérie se lancent à sa recherche, remuant ciel et terre, si bien que les
autorités se trouvent dans l’obligation de charger un policier d’enquêter sur
cette ténébreuse affaire… Et c’est là que la mise en abîme est lancée avec de
nombreuses suprises, des péripéties et des destins croisés.
Avec ce roman, Najwa M
Barakat, qui n’aime pas que l’on rappelle qu’elle est la soeur d’une certaine
Hoda Barakat, signe une oeuvre allégorique aux résonances métaphysiques. La Langue du secret c’est d’abord un
livre de recherches littéraires, vite transformé en un polar haletant, où l’enquête
policière prend très vite le dessus sur tout le reste. Il y a certes cet affrontement attendu entre
le grand maître et le libraire, aussi savants l’un que l’autre, mais surtout
cette bataille idéologique de deux visions du monde, de deux approches de la
vie, du sacré et de la spiritualité. Najwa M Barakat dénonce ici avec maîtrise les
ravages de la parole qui se donne comme pouvoir suprême parce qu’elle serait
d’inspiration divine.
Editions Actes Sud.
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