La réaction est proportionnelle à la saillie du chef du
gouvernement. Le mensuel Femmes du Maroc (FDM) signe un manifeste en bonne et
due forme contre toutes les formes de stigmatisations, d’exclusions, de
rabaissement et d’enterrement volontaire d’années de lutte et de combat de
toutes les femmes marocaines qui ont payé lourd leurs acquis d’aujourd’hui.
«Femmes lustres, non merci !» est un rendez-vous pris avec
l’histoire du Maroc, avec ses sombres héritages du passé et ses projections
résolument tournées vers l’avenir. Tout remonte aux propos sexistes et
dégradants du chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, contre les femmes
marocaines qui participent activement à l’essor de leurs foyers, de leur
société et de leur pays en travaillant dur et en assumant de lourdes
responsabilités. «Les maisons sont éteintes depuis que les femmes en sont
sorties pour travailler ». D’où les lustres sur les têtes de toutes celles
qui se sentent indignées et offensées par de tels dérapages. Rien de plus
normal que FDM, le magazine féminin, pionnier dans la lutte pour les
droits des femmes au Maroc, monte au créneau avec un dossier en béton armé pour
dire d’abord « non ». Ensuite, rappeler à tous et à toutes que le
combat pour les droits, arrachés dans la douleur, n’est jamais fini. C’est un
travail de tous les instants dans une société aux relents rétrogrades, qui
malgré, des façades modernistes, n’a pas encore réussi à déloger une
certaine manière de voir, un certain regard désapprobateur, paternaliste,
anachronique, sur la femme marocaine. «Vous qui êtes là, vous avez été
éduqués dans des maisons où il y avait des lustres. Ces lustres étaient vos
mères ». Ce sont là les regrets du chef du gouvernement. C’est sa manière
de balayer d’un dérapage de langue, plusieurs décennies de soumission, de
violence, de torture morale et physique, de marginalisation pour consacrer un
souhait asservissant de la femme marocaine telle qu’une frange de la société
voudrait la voir. C’est cela la stricte réalité : la place occupée par la femme
au Maroc dérange profondément, non seulement les islamistes dont le chef de fil
prend ici rendez-vous avec l’histoire en démontrant à quel point, il méprise la
femme et son travail, son indépendance et sa liberté, (pas encore tout à fait
acquise, car il reste tant de chemin à parcourir dans ce sens), mais tous les
rétrogrades déguisés en modernistes de pacotille. Et le Maroc en compte
beaucoup.
FDM lève le voile sur les dérives d’une politique aux abois,
qui, au lieu de trouver des solutions solides à des problèmes urgents, comme la
pauvreté, l’éducation, la santé, le chômage, la jeunesse, la culture, veut
noyer le poisson en créant des « digressions » dégradantes qui
versent toutes dans le sens de détourner l’opinion publique des véritables chantiers
à mettre sur pied pour sauver ce pays. Dire que le problème du Maroc, c’est ce
lustre qui a quitté le foyer conjugal, c’est livrer la femme marocaine a la
vindicte populiste en en faisant une cible facile. Non, le problème est
dans l’incompétence des gouvernements qui se suivent au Maroc. Leur incapacité
de résoudre les grands fléaux qui handicapent ce pays. Et le gouvernement
Benkirane, plus que tous les autres, a montré ses limites, ses faiblesses et
son inclination pour les faux débats, les polémiques stériles et surtout l’art
de l’esquive en donnant en pâture, les franges les plus accessibles, pour
échapper à la reddition des comptes,
par le résultat, par le travail accompli. Le constat est cinglant pour ce
gouvernement : zéro pointé dans tous les domaines, avec en prime, la
volonté certaine de créer un climat délétère au sein d’une société marocaine,
soudée aujourd’hui, autour de ces acquis, dans une réelle évaluation de ses
valeurs propres, où la femme est partie prenante au même degré que l’homme.
C’est l’erreur de trop, et rien ne nous dit que c’est la
dernière tant ce chef de gouvernement a pris l’habitude de surfer sur
toutes les vagues pourvu qu’elles fassent du bruit, même pour rien.
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