Interview de Abdelhak
Najib, auteur du roman : « Les territoires de Dieu »
L'observateur du Maroc et d'Afrique
Propos recueillis par Mohamed Zainabi
« Je refuse toute forme de manipulation au nom de la
religion »
Le journaliste,
écrivain et présentateur-télé, Abdelhak Najib, vient de signer son roman, « Les
territoires de Dieu », le 3 juillet 2015, à la librairie Carrefour des
livres de Casablanca. Un roman qui connaît un franc succès sur fond de
réquisitoire politique acerbe et de thérapie sociale par le sexe.
Comment expliquez-vous
le succès que connaît votre roman ?
Je pense que le public réagit d’abord au sujet, qui est
puisé dans le cœur vibrant de la société marocaine, avec toutes ses privations,
ses aberrations, ses absurdités et ses espoirs déçus. «Les Territoires de Dieu»
raconte la vie de quatre enfants à Hay Mohammadi. Quatre gamins qui en veulent,
qui ne se laissent pas faire, qui résistent à tout et veulent à tous prix s’en
sortir. Ils y parviennent par le rêve, la créativité, le sexe et surtout grâce
à leur soif immense de liberté. Ensuite, il y a le timing de ce roman. Il sort
à un moment où le Maroc traverse une zone de turbulences sociales et politiques
sur fond d’idéologies antagonistes entre archaïsmes récalcitrants et volonté
moderniste hésitante et bancales. Entre les deux, il y a le marasme dont je
parle dans ces territoires. Des espaces de vies où l’espoir est une denrée
rare, où il y a une telle crise de valeurs et de vision qui touchent les gens.
Ils y trouvent un récit qui s’adresse
aux Marocains en leur parlant de la vie, sans fards, sans lifting, sans
compromis. Sans oublier que c’est un roman où l’on rit aux larmes de bout en
bout, dans une fresque sociale tragi-comique.
Ce roman est aussi
une critique acerbe des fanatismes et surtout de la religion telle qu’on veut
la véhiculer aujourd’hui ?
Absolument. Ce roman, à travers plusieurs personnages et
situations, fait une lecture sans concessions des dogmatismes de tous poils. Je
ne suis pas du tout tendre avec le mensonge au nom du sacré. Je refuse toute forme de manipulation au nom de la
religion. Elle en prend pour son grade dans ce récit où le langage devient
virulent quand il s’agit des croyances des uns et des autres. La politique qui
se sert du référentiel religieux pour le pouvoir est ici malmenée comme tous
ces prédicateurs beaucoup-trop-nombreux qui veulent régir la vie des autres.
D’ailleurs, combien de crimes ont été commis au nom de Dieu et d’une certaine
vérité que certains pensent détenir. Les territoires de Dieu posent la question
du sacré comme une affaire personnelle qui une fois utilisée pour servir de
base au pouvoir devient nocive, dangereuse, un terrain glissant vers tous les
extrémismes. Et le Maroc d’aujourd’hui traverse un moment où les choses sont
floues. Dans cette confusion des genres se nichent tous les dangers. Et il faut
être très vigilants. Le fin mot de l’histoire dans ces territoires est la
liberté de chacun, qui est la seule à nous garantir le salut. Sans cela, nous
sommes tous condamnés à vivre des jours troubles.
Hay Mohammadi devient
du coup, le centre du monde, l’espace où le destin de tout le monde se
joue ?
J’espère avoir atteint à cette vision universelle du monde.
Hay Mohamamdi est un quartier où j’ai grandi, où j’ai vécu une partie de ma
vie, où j’ai rencontré des destins divers, mais dans le roman, il peut être n’importe
quel autre derb, Harlem, Barbes, Galata, Lavapiès, une favela brésilienne, un
quartier paumé au fin fond du Pakistan… il suffit de changer les noms et les
géographies et on est servi par les mêmes démons qui veulent nous asservir. Ce
qui se passe dans ce périmètre oublié de Dieu se passe partout dans le monde.
J’ai rendu compte d’une épqoue, d’un quartier, d’une catégorie humaine, d’un
état d’esprit, d’une vie qui va au-delà des frontières de ce pays. Le Maroc
devient du coup un prétexte pour parler de ce destin humain qui est aujourd’hui
bafoué, où les repères manquent, sans valeurs, mais avec une injustice qui
écrase tout le monde comme dans un engrenage implacable, un rouleau compresseur
qui ne rate personne. Sans oublier que
Hay Mohammadi est un haut lieu ce la mémoire collective marocaine, une parcelle
de terre qui a donné de grands noms auxquels je rends hommage aussi dans cette
histoire d’amour et de fureur.
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