Un extrait très sexe du roman: Les territoires de Dieu de Abdelhak Najib
"La plus grande feria du corps a été vécue entre
les cuisses de Malika, les lèvres mouillées de son nectar, la tête enveloppée
dans un dédale de fraîcheur, de chaleur, d'amour, d'envie, de désir, de crainte
et de gloire. Malika m'avait ouvert les portes du paradis en laissant mes
lèvres et ma langue glisser sur sa féminité fragile et chevronnée. Elle m'avait
offert par cette après-midi estivale l'éternité et un voeu: que la vie soit
aussi forte que ce que son amour pour moi m'avait fait entrevoir.
Je n'ai plus été le même depuis ce jour. En
devenant l'amant attitré de Malika, son joli petit trésor, comme elle disait,
la vie avait pris pour moi une couleur constante, un mélange de rouge et de
bleu, qui me talonnait à chaque fois que le désir prenait racine dans mon
ventre.
Et elle de me susurrer à l'oreille que je
devenais de plus en plus homme et qu'elle allait me faire voir les portes des
grands secrets de la vie.
Ces fameuses portes de la perception qui, quand
elles s'ouvrent à vous, laissent échapper un filet argenté qui vous transperce
comme un scalpel et laisse en vous une écharde de lumière à jamais
incandescente. Je devenais de plus en plus homme. Mon corps filait à une
vitesse que les autres garçons de mon âge n'ont jamais pu comprendre. Je
grandissais à vu d'oeil, aussi chétif et mal nourri mais plus vieux, plus mûr,
plus sage, plus intelligent, plus rapide, plus à même de saisir ce que la vie
avait de beau sans perdre le moindre instant de bonheur que les jours me
donnaient. Malika secouait la tête après chaque étreinte et me disait que
bientôt je serais son homme.
Homme. Quel mot magique! Mais qu’est-ce que cela
voulait bien dire? Etait-ce grandir, avoir une moustache, porter une barbe et
du poil plein le corps? Etait-ce plutôt réaliser ses rêves et ses désirs? Vivre pour rendre sa vie et celles de autres
meilleures, défendre ses principes, quitte à en mourir ? Homme, cela
voulait-il dire pousser plus loin dans le limon de la vie ses racines pour que
le bien bourgeonne et irradie aux alentours ? Ou alors tout bêtement
rendre les femmes folles de leurs corps?
Il m’a fallu du temps pour comprendre qu’un
homme était tout cela à la fois. J’ai dû passer d’une erreur à une autre,
oublier, pardonner, me pardonner pour supporter ma vie d’homme. J’ai dû mourir à moi-même à maintes reprises
pour essayer toutes les renaissances possibles où je ne serai pas une copie de
tous ceux que je voyais remplir les rues près de chez moi, la mort aiguisée
dans le creux de l’œil.
Entre-temps, dans le quartier et à dix ans,
j'étais déjà le garçon le plus âgé. Même les adolescents de six ans mes aînés,
venaient me consulter pour telle ou telle histoire, une bagarre dans un autre
quartier, un problème au lycée ou un amour qui prend corps. Je trouvais les
mots exacts pour rassurer tout ce beau monde livré au doute. Certains me
vouaient une admiration sans failles, d'autres me haïssaient refusant qu'un
gosse comme moi leur montre le chemin.
Et le chemin, je le savais moi. C'était celui
qui m'a mené l'espace d'un mètre de mon âge de pierre au sanctuaire de Malika.
Les sentiers de la liberté m'avaient propulsé au rang d'un grand petit homme à
qui la vie disait l'essentiel.
J’ai compris que le véritable bonheur est d'être
conscient que l'on est là, foulant cette parcelle de terre, le coeur battant et
les veines vibrantes. Le reste élucubrations de l'esprit et paroles vides de
sens. Parce que l'unique sens de la vie, c'est d'exister, sentir son corps
prier la grâce de la nature, chanter l'hymne à la joie que la vie prodigue à
chaque instant avec chaque atome d'air qui traverse nos artères."
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