Par
Noureddine Mhakkak, écrivain et journaliste
Abdelhak
Najib est un écrivain marocain de langue française, journaliste, critique d’art
et présentateur d’une émission culturelle en langue arabe, L’écho de la
création, à la télévision marocaine (Al
Oula), il vient de signer son roman « Les territoires de Dieu », à
Carrefour des livres, le 3 juillet. Interview
Vous
venez de publier un roman plein de la nostalgie,
parlez nous de ce roman ?
Les Territoires de Dieu est un roman qui retrace une
époque qui s’étale sur plus de quatre décennies. C’est un roman certes de
souvenirs, de nostalgie, mais c’est aussi la chronique d’un quartier, en
l’occurrence Hay Mohammadi, avec tout son poids historique, son référentiel
culturel, son héritage politique… Ce roman, c’est surtout l’histoire de quatre
enfants qui vont découvrir le monde, à travers les femmes, le sexe, les
jouissances de la vie, dans ce qu’elles ont de plus pur, de plus naturel.
Chacun fera son bout de chemin. Chacun trouvera une voie de salut, une manière
propre à lui de s’en sortir dans un périmètre des territoires de Dieu, où la
vie n’est pas un cadeau, mais un clavaire à ciel ouvert, un chemin de croix de
tous les instants. Mais c’est également
une histoire de lutte, de combat, de refus, devant la fatalité, le destin
préétabli et les manipulations quels que soient leurs origines, religieuse,
politiques, idéologiques…
Quelle
est la place du nouveau roman marocain écrit en langue française dans la
littérature marocaine et francophone ?
Il y a aujourd’hui de nouveaux visages de la
littérature marocaine d’expression française. Des auteurs qui ont chacun son
approche de l’écriture, son univers et ses préoccupations littéraires et
humaines. En ce qui me concerne, et je ne peux parler que de mon expérience, et
il est claire. J’écris ma vie en arrière-fond et elle est un prétexte pour
raconter d’autres existences humaines. Je pense que pour un écrivain
aujourd’hui au Maroc, il faut une réelle coupure avec le folklore et la pseudo
littérature pour touristes. On écrit parce qu’on a des choses à dire sur son monde, ce que l’on vit, ce que l’on
voit, sur son pays, ses semblables. On écrit parce qu’on a une certaine
conscience de ce qui nous entoure et on y intervient pour le changer, le
remodeler en créant d’autres univers parallèles.
Votre
roman parle de la ville de Casablanca. Parlez-nous de votre relation
personnelle avec cette ville …
Casablanca est une ville que j’aime et que je hais
aussi. Ville à la fois riche de vie, mais hideuse, tentaculaire, sans histoire réelle,
une ville bâtarde, une ville froide, sans âme, souvent toc et fausse. Chacun a
évidemment son Casablanca. Celui que j’aime n’existe presque plus. J’aime un
Casablanca Art Déco, aux beaux bâtiments
d’époque, aux hôtels particuliers
magnifiques, j’aime le Casablanca urbain, avec ses espaces verts qui ont
disparu, ces belles salles de cinéma qui ont été rasées. J’aime le Casablanca
populaire, avec de nombreux noyaux durs dans des quartiers mythique, mais tout
cela a été dénaturé avec une démographie galopante et une vision urbaine sans
queue ni tête. Et j’aime la plage de
cette ville, pourtant c’est l’une des rares villes côtière au monde avec de
belles baies, qui a tourné le dos à la mer. C’est triste, mais c’est cela
Casablanca, une matrone avachie, une garce, mais on n’est pas insensible à
toutes ses aberrations et absurdités.
Vous
êtes romancier, critique d’art et
présentateur d’une émission culturelle à la télévision marocaine, où vous vous
trouvez mieux ?
Je suis d’abord journaliste avant d’être chroniquer
et critique de cinéma et d’art. Mais je suis aussi un homme des médias. J’aime
la télévision, j’aime le contact avec la caméra, les ambiances des plateaux
lors des tournages pour l’émission Sada
Al Ibdae, qui bat des records d’audience. Mais j’aime aussi mon métier
d’écrivain. Honnêtement, je suis à l’aise
partout et chaque discipline m’apporte une satisfaction particulière. J’ai
dirigé des rédactions et même très jeune, j’ai travaillé avec de très bons
patrons de presse, j’ai appris mon métier de journaliste sur le terrain, j’ai
fait des reportages, des enquêtes sur le terrorisme, dans le couloir de la mort
où j’ai fait le portrait de plusieurs dizaines de condamnés à mort, et cela
restera pour moi de grands acquis pour ma carrière. Aujourd’hui, il y a la
télévision et les romans, ce sont d’autres belles expériences qui
approfondissent davantage ma vision du monde et mon contact avec les autres.
Franchement, j’aime ce que je fais et je
le fais avec passion.
Quels
sont vos projets culturels à venir ?
D’abord, il y a l’émission Sada Al Ibdae qui repart
à la rentrée pour une autre saison. Toute l’équipe autour de Driss Idrissi,
Raouf Sebbahi, Mohamed Chouika, Meriem Khalil et moi–même, a fait un très grand
travail pour faire de cette émission un programme culturel phare, un Talk Show
inédit, avec un réel concept, une vision et des tonalités différentes. Ensuite,
j’ai un autre roman qui sort cette année, intitulé : « Le printemps
des feuilles qui tombent », qui raconte la grande désillusion de ce que
l’on a baptisé le Printemps arabe, et qui est pour moi, un hiver gelé, glacial,
sibérien. J’ai aussi mes portraits dans le couloir de la mort qui
sortent en deux tomes, intitulés : « Vivre dans le couloir de la
mort ». Mais surtout un essai fourni et documenté sur le terrorisme sur
lequel j’ai travaillé depuis 2001. Sinon,
j’ai des projets de films en tant qu’acteur, expérience que j’ai déjà vécue et
que je suis tenté de reproduire.
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